Radjaïdjah Blog

lundi 6 avril 2020

FAQ : attestation numérique de déplacement dérogatoire

FAQ express sur le générateur gouvernemental d'attestations de déplacement dérogatoire.

La plateforme gouvernementale a-t-elle accès à mes informations personnelles quand je génère l'attestation ?
-> Non
Est-ce que quelque chose m'empêche de générer plusieurs QR codes avec différents horaires ?
-> Non
Les informations figurant dans le QR code sont-elles chiffrées ?
-> Non
Y a-t-il un mécanisme de sécurité pouvant détecter efficacement l'antidatage de l'attestation ?
-> Non
Est-ce une bonne idée d'aller générer mon attestation sur un autre site même si je ne comprends pas trop comment ça marche ?
-> Non

Attestation Deplacement Derogatoire Piscine

Fin

mardi 25 août 2015

10 raisons de zapper Windows 10

Alors que c'est le 20e anniversaire de Windows 95, le temps des inquiétudes pour la vie privée dues à la présence d'un GUID (Globally Unique IDentifier) dans les documents produits par Microsoft Word est loin dernière nous.

La dernière version du système d'exploitation de Microsoft, Windows 10, est gratuitement téléchargeable sur le site de Microsoft pour les utilisateurs licenciés des versions récentes. L'entreprise a même sorti une série de 10 petites vidéos intitulée 10 raisons de passer à Windows 10 (10 reasons to upgrade to Windows 10). Ces raisons sont : Windows Store, Continuum, Music and More, Windows Hello, Security, It's Familiar, Cortana, Microsoft Edge, Xbox, Multi-doing.

Derrière ce strass et paillettes de fonctionnalités, la réalité est plus sombre, puisque Windows 10 atteint des sommets de non-respect de la vie privée. Voici 10 bonnes raisons de ne pas adopter Windows 10.

Windows 10

1. La déclaration de confidentialité est claire.

Voici un extrait de la déclaration de confidentialité (version américaine : ''privacy statement'', cf aussi cet article de Numerama) :

Les données que nous recueillons dépendent des services et des fonctionnalités que vous utilisez, et comprennent ce qui suit.

Nom et données de contact. Nous recueillons votre prénom et votre nom de famille, votre adresse email, votre adresse postale, votre numéro de téléphone, et d'autres données de contact similaires.

Identifiants. Nous recueillons les mots de passe, les indices de mot de passe, et des informations de sécurité similaires utilisées pour votre authentification et l'accès à votre compte.

Données démographiques. Nous recueillons des données vous concernant telles que votre âge, votre sexe, votre pays et votre langue préférée.

Centres d'intérêt et favoris. Nous recueillons des données sur vos centres d'intérêt et vos favoris, comme les équipes que vous suivez dans une appli de sport, les stocks que vous suivez dans une appli financière, ou vos villes préférées que vous ajoutez à une appli de météo. En plus de ceux que vous avez explicitement fournis, vos centres d'intérêt et vos favoris peuvent également être devinés ou dérivés d'autres données que nous recueillons.

Données de paiement. Nous recueillons les données nécessaires au traitement de votre paiement si vous faites des achats, comme le numéro de votre moyen de paiement (comme un numéro de carte de crédit), et le code de sécurité associé à votre moyen de paiement.

Données d'utilisation. Nous recueillons des données sur votre manière d'interagir avec nos services. Cela comprend des données telles que les fonctionnalités que vous utilisez, les articles que vous achetez, les pages web que vous consultez, et les termes de recherche que vous entrez. Cela comprend également des données concernant votre appareil, notamment l'adresse IP, les identifiants de l'appareil, les paramètres de région et de langue, et des données concernant le réseau, le système d'exploitation, le navigateur et d'autres logiciels que vous utilisez pour vous connecter aux services. Et cela comprend également des données concernant les performances des services et tout problème rencontré avec ces services.

Contacts et relations. Nous recueillons des données concernant vos contacts et vos relations si vous utilisez un service Microsoft pour gérer vos contacts, ou pour communiquer ou interagir avec d'autres personnes et organisations.

Données de localisation. Nous recueillons des données concernant votre localisation, qui peuvent être soit précises soit imprécises. Les données de localisation précises peuvent être des données du Système de positionnement global (GPS), ainsi que des données identifiant des antennes-relais à proximité et des bornes Wi-Fi, que nous recueillons lorsque vous activez les services et fonctionnalités basés sur la localisation. Les données de localisation imprécises comprennent, par exemple, une localisation dérivée de votre adresse IP ou des données qui indiquent avec moins de précision où vous vous trouvez, comme avec une ville ou un code postal.

Contenu. Nous recueillons le contenu de vos fichiers et de vos communications au besoin pour vous fournir les services que vous utilisez. Cela comprend : le contenu de vos documents, photos, musiques ou vidéos que vous téléchargez sur un service Microsoft tel que OneDrive. Cela comprend également le contenu des communications que vous envoyez ou recevez en utilisant les services Microsoft, comme :

* la ligne d'objet et le corps d'un email,
* le texte ou autre contenu d'un message instantané,
* l'enregistrement audio et vidéo d'un message vidéo, et
* l'enregistrement audio et la transcription d'un message vocal que vous recevez ou d'un message texte que vous dictez.

En outre, lorsque vous nous contactez, pour une assistance clients par exemple, les conversations téléphoniques ou les sessions de discussion avec nos représentants sont susceptibles d'être surveillées et enregistrées. Si vous entrez dans nos magasins, votre image peut être saisie par nos caméras de sécurité.

2. Par défaut, Windows 10 ne respecte pas la vie privée.

Par défaut (configuration définie lors d'une installation express), la configuration de Windows 10 donne un accès quasi-illimité à vos données à Microsoft.

Par exemple, la synchronisation des données (data syncing) envoie l'historique de navigation,les favoris, les sites ouverts, ainsi que les mots de passe des sites et des réseaux wi-fi, sur les serveurs de Microsoft.

Autre exemple, le logiciel gérant les réseaux sans fil, Wi-Fi Sense, demande par défaut à partager l'accès aux réseaux wi-fi connus avec tous les contacts. Cela dit, Microsoft a pensé à un moyen de protéger un réseau afin d'éviter cela : inclure la chaine "_optout" dans le SSID (ce qui se complique quand on apprend que la façon de ne pas être indexé par les voitures Google scannant les réseaux wi-fi est d'avoir un SSID finissant par la chaine "_nomap").

Il a été beaucoup reproché à Microsoft que ces fonctionnalités soient activées par défaut et non pas activables explicitement (par opt-in). La doctrine sous-jacente se résume ainsi : concernant la transmission de données personnelles, qui ne dit mot consent.

De nombreux sites ont explicité les nombreuses étapes à parcourir pour désactiver (opt-out) les différentes fonctionnalités affectant la vie privée. Cependant...

3. Même après configuration, Windows 10 ne respecte pas la vie privée.

Comme l'explique Swati Khandelwal en vertu d'une analyse de Ars Technica, l'assistante Cortana et le moteur de recherche Bing communiquent des informations privées à la maison-mère Microsoft même lorsqu'ils sont instruits de ne pas le faire.

4. Le consommateur devient le produit.

Windows 10 montre que Microsoft s'est mis à la politique de Google ou de Facebook : proposer des produits gratuits à l'utilisateur, en échange de leurs données personnelles.

Et comme le dit l'adage : si c'est gratuit, vous n'êtes pas le consommateur, mais le produit (voir aussi cette présentation).

5. C'est un logiciel propriétaire.

Windows 10 est un logiciel privateur, dans le sens qu'il ne permet pas d'exercer simultanément les quatre libertés logicielles que sont l'exécution du logiciel pour tout type d'utilisation, l'étude de son code source (et donc l'accès à ce code source), la distribution de copies, ainsi que la modification et donc l'amélioration du code source.

6. Il y a de meilleurs choix.

Les distributions Linux grand public comme Ubuntu ou Mint sont techniquement meilleures que Windows 10. Comme le relève Korben, une parodie de la série microsoftienne a été réalisée : 10 bonnes raisons de passer à Ubuntu 15.04.

7. Microsoft semble partenaire du gouvernement US.

Il y a 16 ans, la découverte d'une clef publique nommée _NSAKEY dans une version de Windows publiée par erreur avec des symboles de debugging ont alimenté bien des spéculations concernant une éventuelle possibilité pour la NSA de distribuer des patchs authentifiés (i.e. munis d'une signature électronique validée par le système Windows), même si Bruce Schneier n'y croyait pas à l'époque.

Cette découverte venait en écho des discours du secrétaire américain de la défense William Cohen qui déclarait début 1999 : Je suis persuadé que Microsoft comprend le lien crucial qui existe entre notre sécurité nationale et la prospérité de notre pays. (I believe that Microsoft does understand the crucial connection between our national security and our national prosperity). Mais bon, hors contexte, cette phrase ne veut pas dire grand chose.

8. Windows est vulnérable aux virus et autres malwares.

Avec diverses attaques en provenance des gouvernements américain (Regin, Stuxnet, Flame), chinois (GhostNet), russe (Red October, Turla (ciblant aussi Linux)), les utilisateurs de Windows sont des cibles privilégiées.

Ce n'est pas The Equation Group (NSA) qui dira le contraire. Utiliser un autre système d'exploitation permet d'atténuer ce type d'attaques.

9. C'est un outil d'espionnage industriel.

L'utilisation de Windows 10 au sein d'une entreprise risque de compromettre ses secrets industriels. Une société a donc intéret à réfléchir si le fait de bénéficier de la cosmétique de Windows 10 compense la divulgation à Microsoft de ses collaborateurs, accomplissements, projets, contrats, partenaires, échéances, négociations, etc.

10. Windows 10 peut compromettre un État.

En Russie, note Silicon Angle, des voix s'élèvent contre toute utilisation officielle de Windows 10 : le député Nikolai Levichev a ainsi écrit une lettre au premier ministre Dmitri Medvedev dans laquelle il souligne la possibilité pour Microsoft d'accéder aux mots de passe, contacts, emails, locations, et autres données des utilisateurs, avec un transfert potentiel des données traitées à des agences gouvernementales américaines, raison pour laquelle il souhaite bannir toute utilisation institutionnelle de Windows 10. Cet appel fait suite à une requête du député communiste Vadim Solovyov au procureur général, ainsi qu'à une plainte du cabinet d'avocat Bubnov & Associés auprès du même procureur, les deux demandes soulignant l'aspect illégal de l'accès aux données des citoyens russes par Microsoft.

Il est difficile de décrire exactement les conséquences de l'utilisation de Windows 10 par un État ou une administration telle que la France. L'utilisation au niveau gouvernemental de ce système d'exploitation octroierait à Microsoft l'accès à un stock gigantesque de données nationales, fiscales, et médicales.

Une bonne raison d'adopter Windows 10 : l'illégalité

S'il s'avère que Windows 10 contrevient à la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, alors vous pouvez porter plainte contre Microsoft et gagner un peu d'argent. Reste à voir comment les juristes interpreteront l'acceptation de la déclaration de confidentialité.

Conclusion

Si vous n'avez rien à faire de votre vie privée ni de celle de vos amis, passez à Windows 10, sinon, ne le faites pas.

mardi 11 novembre 2014

Soirée pour la défense des libertés sur Internet

Ce mercredi a lieu à Parie une Soirée pour la pérennité de la défense des libertés sur Internet, organisée par la Quadrature du Net (l'organisation évoquée dans l'article sur la neutralité du Net).

Occasion rare : La Quadrature du Net rassemble sa nébuleuse et ses amis le mercredi 12 novembre 2014 pour discuter du présent et du futur de la défense des libertés sur Internet et présenter les activités de l'association. Profitant du lancement de sa campagne de financement, La Quadrature du Net invite tous ses sympathisants à NUMA (39, rue du Caire à Paris) à 19 heures. Pour les non-parisiens, l'événement sera diffusé en streaming.

Cette soirée sera l'occasion de partager nos visions sur l'avenir des droits fondamentaux sur Internet et de leur défense citoyenne, en France, en Europe et au delà. Que ce soit pour lutter contre la censure privatisée au nom du droit d'auteur ou du « droit à l'oubli », de la surveillance de masse ; qu'il s'agisse de la neutralité du Net, de la protection des données, de la maîtrise de l'infrastructure au travers des services décentralisés, de l'ouverture des fréquences hertziennes ou de la réforme du droit d'auteur, il est plus que jamais important de continuer un travail de fond afin de protéger nos libertés.




Même soir même heure, de l'autre côté de la rue à la Maison du Bitcoin a lieu une rencontre sur le thème de la régulation des crypto-devises.

Dans le quartier se trouve un beau mur végétal que connaissent les adeptes du geocaching puisque s'y trouve une cache nommée l'Oasis d'Aboukir.

vendredi 24 janvier 2014

Contre les loi mémorielles

Soyons pragmatiques, même si l'histoire est écrite par les vainqueurs, les lois mémorielles[1], bien que partant d'une bonne intention, fractionnent la société en terme d'idéologie, pour le pire plutôt que pour le meilleur.

Note

[1] La loi Fabius-Gayssot, par exemple, a été déclarée anticonstitutionnelle par le Conseil Constitutionnel qui écrivit dans son rapport du 28 février 2012 : « Alinéa 6 […] Considérant qu’une disposition législative ayant pour objet de « reconnaître » un crime de génocide ne saurait, en elle-même, être revêtue de la portée normative qui s’attache à la loi ; […] ; qu’en réprimant ainsi la contestation de l’existence et de la qualification juridique de crimes qu’il aurait lui-même reconnus et qualifiés comme tels, le législateur a porté une atteinte inconstitutionnelle à l’exercice de la liberté d’expression et de communication ; que, dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, l’article 1er de la loi déférée doit être déclaré contraire à la Constitution ; que son article 2, qui n’en est pas séparable, doit être également déclaré contraire à la Constitution. DÉCIDE : Article 1er.- La loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi est contraire à la Constitution. »

mardi 21 janvier 2014

Droit international, vie privée, et internet

La Déclaration universelle des droits de l'homme définit selon l'ONU "l'idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations".

L'article 12 de cette déclaration est le suivant : Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes.

La vie privée comme droit inaliénable de l'homme est également le point de vue de Bruce Schneier, au contraire de celui du PDG de Google Éric Schmidt.

Avec l'avènement d'internet et des technologies numériques en général, l'ONU a pensé qu'il serait de bon aloi de mettre à jour cet article avec des considérations plus contemporaines.

C'est ainsi que lors de la soixante-huitième session de l'Assemblée générale s'étant tenue il y a deux mois, l'attention de la troisième commission s'est portée entre autres sur le droit à la vie privée à l'ère du numérique (the right to privacy in the digital age). En résulta un document (original en anglais) stipulant que l'Assemblée générale :

  1. Réaffirme le droit à la vie privée, selon lequel nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance et le droit à la protection de la loi contre de telles immixtions, que définissent l’article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques;
  2. Reconnaît le fait qu’Internet est par essence mondial et ouvert à tous et que les progrès rapides dans le domaine des technologies de l’information et des communications constituent un moteur du développement sous ses diverses formes;
  3. Affirme que les droits dont les personnes jouissent hors ligne doivent également être protégés en ligne, y compris le droit à la vie privée;
  4. Invite tous les États :
    1. À respecter et à protéger le droit à la vie privée, notamment dans le contexte de la communication numérique;
    2. À prendre des mesures pour faire cesser les violations de ces droits et à créer des conditions qui permettent de les prévenir, notamment en veillant à ce que la législation nationale applicable soit conforme aux obligations que leur impose le droit international des droits de l’homme;
    3. À revoir leurs procédures, leurs pratiques et leur législation relatives à la surveillance et à l’interception des communications, et à la collecte de données personnelles, notamment à grande échelle, afin de défendre le droit à la vie privée en veillant à respecter pleinement toutes leurs obligations au regard du droit international;
    4. À créer des mécanismes nationaux de contrôle indépendants efficaces qui puissent assurer la transparence de la surveillance et de l’interception des communications et de la collecte de données personnelles qu’ils effectuent, le cas échéant, et veiller à ce qu’ils en répondent, ou à les maintenir en place s’ils existent déjà;
  5. Prie la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme de lui présenter, à sa soixante-neuvième session, ainsi qu’au Conseil des droits de l’homme, à sa vingt-septième session, un rapport sur la protection et la promotion du droit à la vie privée dans le contexte de la surveillance et de l’interception des communications numériques et de la collecte des données personnelles sur le territoire national et à l’extérieur, y compris à grande échelle, dans lequel elle proposera aux États Membres des vues et recommandations;
  6. Décide d’examiner la question à sa soixante-neuvième session, au titre de la question subsidiaire intitulée « Questions relatives aux droits de l’homme, y compris les divers moyens de mieux assurer l’exercice effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales » de la question intitulée « Promotion et protection des droits de l’homme ».

Cette invitation semble bienvenue à l'heure où les communications sur le réseau internet font l'objet de toutes sortes de filtrage et d'interceptions de la part de nombreuses agences et entités dans le monde, comme le souligne le rapport 2014 de Human Right Watch.

En même temps, mettons-nous à la place des services de renseignements, qui sont bien embêtés par toutes ces règlementations autour de la vie privée qui les empèchent de mener leurs enquêtes tranquillement. Les agences américaines, en virtuose de la Realpolitik du renseignement, ont appris à en faire peu de cas.

Aussi paradoxal que ça puisse paraître, la règlementation de l'usage d'internet, le réseau mondial, relève assez peu du droit international.

vendredi 14 juin 2013

The dark side of intelligence

Déception chez les partisans de la recherche psychédélique : en termes d'acronymes, l'association australienne PRISM a été phagocytée par l'orwellien programme de surveillance de la NSA américaine du même nom.

Le côté obscur de la surveillance

Quand on apprend que certaines agences gouvernementales espionnent Internet, il y a de quoi tomber des nues tellement c'est une surprise, à l'heure où la mode est à la protection de la vie privée et à l'habeas corpus numérique.

Internet est une panarchie électronique et constitue un terrain de prédilection pour les services de renseignements et d'espionnage, bien au-delà d'Echelon. La France n'est pas en reste, tant en ce qui concerne les sources ouvertes que les sources fermées (Frenchelon). L'industrie française peut même se parer d'une certaine expertise dans le domaine, puisque des entreprises comme Amesys vendent des solutions de Deep Packet Inspection à des gouvernements qui recherchent le contrôle national d'Internet, comme la Libye récemment.

Face à cela, les lois ne sont pas trop utiles, et les solutions techniques (le chiffrement) sont à privilégier.

vendredi 10 mai 2013

Human Traffic

Aujourd'hui, c'est la Journée commémorative de l'abolition de l'esclavage en France métropolitaine[1]

On peut toujours considérer que le capitalisme est l'infrastructure d'un esclavage moderne où l'argent a remplacé la force, comme le suggérait Léon Tolstoï.

Mais dans le monde, l'esclavage et le trafic d'être humains est florissant, et des films comme The Whistleblower (en Bosnie Herzégovine) ou The Jammed (en Australie) soulignent la complexité du sujet (le film éponyme en est assez éloigné).

Certaines organisations affirment lutter contre ce phénomène, entre autres Not For Sale, FIZ, Free the Slaves, Human Rights Watch, ou le projet Polaris.

En pratique, c'est un domaine tumultueux, avec beaucoup d'argent, de pouvoir, de violence, de sexe, de misère, de mensonges, en bref d'humanité.

mercredi 23 janvier 2013

Neutralité du net

Au cours de sa mini-guerre commerciale contre Google, l'opérateur de téléphonie Free a décidé de filtrer certaines publicités sur le réseau de ses abonnés[1], ce qui va à l'encontre du principe de neutralité du réseau internet. C'est donc le bon moment de rappeler la présentation de Benjamin Bayart sur le sujet lors de l'exposition "le libre en fête" 2011 organisée par Swisslinux (un réunion de geeks, comme makeopendata). Étaient également présents de jolis robots, comme Nao, dont était vanté le très bon WAF (Wife Acceptance Factor).

Nao

Résumé : Benjamin Bayart, expert en télécommunications, président de French Data Network et militant, s'est fait connaître dès 2007, notamment par ses prises de position contre le contrôle d'internet et la loi HADOPI. Sa conférence sur la neutralité[2] du net lui permettra d'insister sur les discriminations qui peuvent exister à diverses étapes de la transmission de l'information à travers Internet, et de proposer des solutions concrètes pour garantir cette neutralité.

Muni de diapositives avec des titres bizarres (du style « Factulés » ou « Les atteintes des chandelles »), Benjamin Bayart a rappelé qu'Internet n'était pas un réseau d'ordinateurs mais un réseau de réseaux, très simple[3], servant de support de diffusion. Coupé en deux, les deux parties survivraient, et en cela Internet est plus proche du corail que d'un humain. Il existe plus de 40 000 opérateurs qui gèrent les adresses en respectant les allocations de l'IANA. Et de même que quand on a inventé la vente par correspondance, on n'a pas changé le service postal, quand on a inventé le web, on n'a pas changé Internet. L'intelligence n'est pas dans le réseau, mais elle est périphérique, le réseau n'est qu'un ectoplasme qui transporte sans se poser de questions, de façon « neutre ».

Sur un plan plus social, Benjamin Bayart a mis en avant la « croissance de l'internaute », qui passe progressivement du statut d'acheteur, de kikoolol, de lecteur et de râleur à celui de commentateur, puis d'auteur, voire d'animateur au sein de réseaux d'auteurs. Internet forme donc des générations de citoyens qui développent leur esprit critique et apprennent à débattre de n'importe quel sujet (il y a peut-être une pointe d'exagération dans ces considérations). Mais en résumé, la communication change la société, et Internet change la communication, donc par transitivité Internet change la société. En suivant une approche un peu évolutionniste, de même qu'il y avait une société préhistorique avant l'écriture, il y a eu une société pré-réseau avant Internet. Et toucher la structure du réseau, c'est toucher la structure sociétale (on peut penser que les hommes préhistoriques n'avaient pas développé un intérêt avancé pour la liberté de la presse par exemple).

Qui a donc des raisons de s'en prendre à la neutralité du réseau ?

D'une part certains opérateurs, qui pour des raisons économiques ou commerciales ont recours à des méthodes de priorisation (« web à deux vitesses »), de filtrage, et d'altération des données[4].

D'autre part certains dirigeants politiques, tenants de l'ordre contre le désordre, contre leur propre peuple, par la censure et le contrôle. L'initiative OpenNet classe ainsi les différents types de censure dans les pays du monde selon leur amplitude, qu'on peut voir comme un indicateur de démocratie. Avec ses listes noires et ses lois sur le copyright la France se situe d'ailleurs dans la catégorie Internet sous surveillance.

Au final, Internet c'est un peu ce qu'on en fait. Il est évident qu'il y a des dérives, mais il est difficile de demander à un fabriquant d'acier que celui-ci serve à faire un couteau qui coupe le pain et pas un couteau pour tuer des gens. Les attaques contre la neutralité du net sont des attaques contre l'économie d'abondance qui y prévaut, mais heureusement, les mentalités évoluent.

Notes

[1] Cela signifie par ailleurs que les fournisseurs d'accès à Internet ont la possibilité technique de filtrer certaines données, ce qu'on pourrait appeler l'école chinoise.

[2] La neutralité est l'essence de la politique extérieure suisse, comme le montre la deuxième partie de cet extrait du Daily Show, consacré à l'interdiction de construire des Minarets.

[3] La complexité est parfois une question d'approche. Ainsi la NASA a mis des années à développer un stylo à bille qui puisse fonctionner en apesanteur pour les missions extra-terrestres, tandis que l'agence spatiale russe donnait à ses cosmonautes des crayons à papier.

[4] Pour s'adonner à l'altération de données sur son propre réseau, voir par exemple Newstweek ou le magnifique Upside-Down-Ternet.

lundi 31 décembre 2012

La croissance de la décroissance

Le mois dernier Paul Ariès était invité à parler de décroissance, par ailleurs un des thèmes du GIMUN de cette année. Sur le fond c'était assez clair, sur la forme il est possible que le « compte-rendu » qui suit paraisse un peu désordonné et confus.

Selon Ariès, la nécessité d'une politique de décroissance (sous-entendu: de l'activité économique) provient des deux considérations suivantes :

  • Si les 7 milliards humains vivaient comme les Européens il faudrait 3 planètes pour les supporter (7 s'ils vivaient comme les Américains).
  • Il est moralement injuste que certaines catégories vivent bien mieux que d'autres[1] (ce qui est bien sûr contesté par les tenants du libéralisme).

Muni de son nouveau livre Le socialisme gourmand, Paul Ariès appelle à rompre avec le capitalisme, système « diablement efficace ». Le capitalisme serait en effet un système à la fois :

  • exploitant le travail et pillant les ressources
  • intrinsèquement productiviste, impensable sans croissance
  • imposant des styles de vie et des modes de vie

Selon le gouvernement socialiste actuel, il n'y a pas de solution aux inégalités sans croissance. Il apparaît ainsi que la gauche est divisée en deux catégories : la gauche productiviste (au pouvoir), et la gauche antiproductiviste (qui résiste au progrès[2]).

Paul Ariès fait partie ce cette dernière, dans la tradition des paysans qui s'opposaient au glânage, des ouvriers qui cassaient les machines, de Lafargue, de Fourier, des milieux libertaires, et de certains syndicalistes, et à l'opposé des pessimistes à l'image de l'école de Francfort, où les milieux populaires étaient perdus car perdus dans le milieu de la consommation.

La décroissance que défend Paul Ariès n'est pas celle du journal La Décroissance, synonyme d'austérité, de « décroissance de droite », malthusienne, mais plutôt d'une décroissance « intelligente ». Il y a de nombreuses directions pour aller dans la direction d'une décroissance raisonnable, telles que la lutte contre obsolescence programmée et contre le gaspillage : (un produit fini représente 4% des ressources mises en oeuvre pour sa fabrication). Surtout, la planète est assez riche pour passer à ce que les Amérindiens appellent le buen vivir. Il faudrait 40 milliards de dollars pour régler le problème de la sous-nutrition dans le monde (comme le souligne d'ailleurs Jean Ziegler dans le film We feed the world) et 60 milliards pour régler celui de la pauvreté, soit moins de 0.2% du PIB mondial. En même temps, le budget annuel mondial de l'armement est de 1000 milliards de dollars, celui de la publicité est de 900 milliards de dollars, et le produit international criminel (PIC) est estimé également à 1000 milliards.

Il y a ainsi deux concepts clefs dans la « bonne voie » envisagée : redistribution différente et décroissance intelligente. Et y parvenir demanderait un peu de psychologie, car on ne changera pas le monde en culpabilisant ni en faisant appel aux responsabilités mais en suscitant le désir. Le désir, essentiellement, de trois choses[3] :

  1. Le développement de l'économie sociale et solidaire, qui représente aujourd'hui environ 10% de l'économie en France, et a constitué un des secteurs qui a le mieux résisté à la crise[4].
  2. L'extension de la sphère de la gratuité qui passe par un nécessaire développement d'une culture de la gratuité[5] (un thème cher aux partis pirates).
  3. Le développement de la désobéissance à la croissance. Paul Ariès rêve d'une gauche objectrice de croissance tout en évoquant un forum national de la désobéissance multipliant les appels à la désobéissance civile, professionnelle, et institutionnelle.

Dès lors qu'on considère l'intérêt du plus grand nombre dans le cadre d'une « économie du bonheur », les étudent réfutent l'idée d'une corrélation entre pib et accès au bonheur mais trouvent en revanche un lien entre type de société et accès au bonheur. Ainsi Richard Wilkinson montre les conséquences négatives des inégalités économiques sur les sociétés. De plus, comme le capitalisme multiplie les individus superflus, un remède pour pallier ces inégalités serait le revenu minimum universel, éventuellement sous forme partiellement démonétarisée (eau, électricité).

En conclusion, peut-être qu'on ne pourra pas changer le monde mais rien ne nous interdit d'en construire un autre[6].

Notes

[1] Il y a une distribution des richesses à la Pareto : 20% des humains se partagent 80% des richesses mondiales. Plus précisément, un individu possédant au moins 5000€ de patrimoine serait dans le top 50% des humains en termes de richesse, dans le top 10% avec 37500€, et dans le top 1% avec 340000€. Voir aussi le site Slavery Footprint pour savoir combien d'esclaves travaillent pour vous.

[2] Paul Ariès semble opposé à certaines formes de progrès et considère assez sombrement les perspectives transhumanistes qui verraient passer l'homo sapiens au robot sapiens (Jacques Testard parle d'« humanité augmentée ») ou au soma sapiens (avec les technologues comme Anders Sandberg (à qui Ariès attribue bizarrement un prix Nobel) qui étudient les sentiments artificiels et l'ingénierie émotionnelle, des thèmes qui seront évoqués dans l'entrée à venir sur la reprogrammation du cerveau).

[3] Quatre, en fait, car on peut ajouter une nécessaire volonté de surcroît de démocratie (cf l'article de Georges Gurvitch Le principe démocratique et la démocratie future ainsi que l'entrée Démocratie et populisme).

[4] Ce secteur concerne essentiellement les classes moyennes et pauvres, qui évoluent. Lors du forum mondial sur la pauvreté organisé par Emmaüs, 2 constats se sont dégagés : d'une part, un pauvre n'est pas un riche sans argent, d'autre part, un naufragé ne pourra jamais retourner dans le système (et tant mieux). De plus, si le XXe siècle a en quelque sorte vu l'apparition des classes moyennes, le XXIe siècle serait plutôt sur la voie de la démoyennisation, ce qui est finalement une bonne chose si elle est à l'origine d'une remise en question du système dans son ensemble.

[5] Lors du forum national de la gratuité, ont été mentionnées des expérimentations sur gratuité de l'eau vitale, des transports en commun, des services funéraires. Paul Ariès récuse le principe d'une gratuité uniquement « pour les pauvres » et lui préfère celui de gratuité d'émancipation, telle que celle de l'école publique. Mais qu'en serait-il avec le logement, la santé, ou l'alimentation ? Il existe de facto un droit à l'expérimentation ; selon la constitution française, des villes peuvent expérimenter des politiques en dehors de la loi, et la gauche s'est en général trop refusée à expérimenter.

[6] On peut voir ça comme une variation du célèbre Si le monde n'a absolument aucun sens, qui nous empêche d'en inventer un ?

lundi 29 octobre 2012

Démocratie et populisme

En théorie, la démocratie, ça ne devrait pas marcher. Les classes sociales de catégories les plus basses, en majorité, devraient être à même de profiter de leur surnombre pour écraser la minorité de nantis, ramenant le régime, au final, à une variation du communisme.

90% des participants aiment les tournantes

(et on ne parle pas de ping-pong)

Cet argument contre la démocratie directe est simple : avec le vote majoritaire vient la tyrannie de la majorité et donc l'oppression des minorités, ce qui est injuste (cf l'entrée sur les minarets en Suisse). Cet argument est également anti-utilitariste (cf aussi l'entrée Pétanque, Chariots, et Mandarins).

Avec cela, la Maison de l'histoire de l'université de Genève invitait ce mois-ci Pierre Rosanvallon, auteur de « La société des égaux », à présenter un exposé intitulé Populisme et démocratie.

Le populisme comme pathologie de la démocratie

Le populisme, selon Pierre Rosanvallon, est un phénomène politique émergeant des difficultés intrinsèques de la démocratie et en constituant une pathologie, à travers quatre axes.

1) Le populisme prétend via la sacralisation du referendum symboliser la « vérité définitive de la démocratie », au-delà des limitations de la représentation.

2) Le populisme se méfie des contre-pouvoirs et des autorités indépendantes, qui sont cependant concurrentes et complémentaires à l'expression électorale.

3) Le populisme, en faisant appel à l'instinct grégaire, veut faire croire à une certaine homogénéité des désirs du peuple, en réalité illusoire.

4) Le populisme est un terreau de l'anti-intellectualisme en mettant en avant le bon sens populaire face aux raisonnements méticuleusement argumentés.

Or, pour Pierre Rosanvallon, le peuple n'est pas un « bloc », mais à la fois :

  • un ensemble électoral, qui engendre une vérité arithmétique à la majorité
  • un corps légal via les cours constitutionnelles représentantes de la mémoire de l'intérêt général
  • un tissu social multicolore, enchevêtrement de communautés d'expression

On est donc loin des temps révolutionnaires où le peuple était artistiquement représenté par une statue d'Hercule, ou du XIXe siècle où l'unanimité était requise pour trancher les décisions, les conflits et fractures étaient vus comme anormaux, et quand le peuple ne s'exprimait pas « d'un seul choeur », c'est qu'il devait y avoir un vice interne quelque part.

Cet argument d'uniformité du peuple comme sous-tendant l'identité d'une nation a été retrouvé dans les pays scandinaves, où la perte progressive d'homogénéité était présentée comme une déchéance. Face à cette menace consécutive au démarrage du capitalisme libéral (« première mondialisation »), des réflexes de national-protectionnisme sont apparus à travers la construction d'une solidarité par l'ostracisme via l'expulsion des gens différents et des allogènes (en France, Maurice Barrès avait intitulé son livre « Contre les Étrangers »).

Le populisme comme simplification

Au sens de Rousseau[1], une République est un régime gouverné par des lois. Ces lois peuvent relever d'une constitution ou être fixées par un gouvernement. La première sert à ériger des droits inaliénables, à long terme, tandis que le second permet de s'adapter aux conditions du moment.

Pierre Rosanvallon reproche au populisme d'effacer ces temporalités distinctes lorsque s'opposent les décisions communes instantanées et la volonté collective avec sa dimension historique, perturbant la société dans sa vision à long terme.

D'autre part, le populisme amène une simplification de représentation. Il existe en effet une grande différence entre ce que promettent les campagnes électorales («yes we can») et ce que réalisent les titulaires du permis de gouverner après les élections («no we can't»). C'est cette tension structurale entre figuration et délégation qui est dénoncée ici. Le paradoxe est qu'on ne peut pas envisager un gouvernement qui soit l'incarnation du peuple, et non plus son délégué[2]. Entre Louis XIV « L'État c'est moi » et Staline (« La Société c'est moi »), Pierre Rosanvallon voit comme nécessaire l'apparition d'une théorie démocratique du referendum.

Démocratie complexe

La démocratie est un sujet plus complexe qu'il n'y paraît de prime abord, d'où un besoin de « définition démocratique de la démocratie ». Ses ennemis sont surtout ceux qui prétendent l'accomplir en la simplifiant et la tronquant (et le continent principal du populisme est l'Europe). Il s'agit d'être lucide sur ses difficultés, sans faire preuve de triomphalisme vain, et sans se poser comme professeur ou exportateur de démocratie, ce qui engendre au bout du compte ressentiment et désillusion.

Au-delà des constats a minima sur la démocratie :

  • Il ne faut pas trop attendre trop de la démocratie, elle sert juste à éviter la tyrannie.
  • La démocratie est le pire régime à l'exception de tous les autres (Churchill).

Il apparaît que le but d'un tel régime politique n'est pas d'accumuler des décisions, mais de construire de façon argumentée un monde commun.

Comment trouver le juste équilibre entre démocratie directe, dont la pathologie est le populisme et un suffrage pas forcément éclairé[3], et démocratie représentative, dont la pathologie est la démocratie souveraine ? Pierre Rosanvallon affirme que le progrès ne viendra pas de la multiplication des élections (un système à 20 referendums par jour serait en fin de compte antidémocratique) mais plutôt de la multiplication des formes de représentation. À ce sujet, certains organismes comme le Piratenpartei allemand prônent l'utilisation d'internet pour faciliter le vote par procuration à un délégué de son choix lors d'un referendum afin d'implémenter une démocratie liquide[4] (cf ces vidéos -en allemand- : courte, longue). Soit, pour reprendre la terminologie de Michel Foucault, une façon que chacun nomme ses propres ministres.

Notes

[1] Les Anglais croient qu'ils sont libres parce qu'ils élisent des représentants tous les cinq ans mais ils ne sont libres qu'un jour tous les cinq ans : le jour de l'élection. (J.-J. Rousseau)

[2] On peut citer Chavez face à son électorat, « Je ne suis pas Chavez, mais votre double », ou Evita Peron et le césarisme. Napoléon se faisait appeler l'homme-peuple.

[3] Pierre Rosanvallon semble aussi s'opposer au suffrage capacitaire : « Heureusement que nous ne sommes pas gouvernés par des savants ».

[4] Au Pakistan, le groupe Structural Deep Democracy a utilisé à ces fins le Pagerank, l'algorithme original de Google, montrant ainsi que les moteurs de recherche développent des algorithmes d'élection potentiellement utiles à la démocratie.

jeudi 4 octobre 2012

L'échec de la panarchie

Ce mois-ci avait lieu à Genève une votation sur la transformation d'un quartier en zone piétonne.

En sa faveur, les cyclistes et piétons, en sa défaveur, le lobby des motards et des automobilistes.

Comme attendu par les analystes, ce vote aboutit à un échec : le centre-ville ne deviendrait pas piéton.

Victoire ou défaite, ce genre de décision urbaine démontre l'impossibilité géographique de l'avènement d'une panarchie.

lundi 9 juillet 2012

RMLL 2012

Cette semaine ont lieu à Genève les rencontres mondiales du logiciel libre (RMLL), avec plus de 250 conférences, ateliers et tables rondes.

À signaler par exemple :

et bien d'autres... cf le programme complet. Il est également possible de s'inscrire comme bénévole pour aider au bon déroulement des rencontres ou de montrer une présentation éclair de cinq minutes (lightning talk).

jeudi 26 avril 2012

Education as a path to citizenship?

With their priviledged status, UN staff sometimes suffer from the stereotyped image of well-dressed penguins hanging around with a concerned face and doing nothing all day long like in Albert Cohen's novels. But sometimes, things are happening. This week-end, the Youth Perspectives pole of the GIMUN (Geneva International Model United Nations, kind of a UN "simulation") will hold a conference entitled Environmental issues in contemporary societies, composed of the following committees:

  1. Modern societies' weaknesses facing environmental catastrophes
  2. Degrowth: a solution to protect the environment?
  3. Protecting biodiversity: issues of urbanism
  4. Future of traditional knowledge: threats and solutions?

It's probably too late to apply, but don't hesitate to give a try if you're interested. It is the second edition of a Youth Perspectives conference; last year for the International Year of Youth the topic was Education in the 21st Century. The committees were at the time:

  1. Education - The Path to Citizenship
  2. Integration through Education
  3. Teachers and the Promotion of Gender Equality
  4. Universal Access to Higher Education

As one easily guesses from the blog, education is a stimulating topic, hence this brief essay and this laconic position paper were written to attend the conference in the first committee. As complements, a talk of Ken Robinson entitled Schools kill creativity, and a link to the Khan Academy.

The results? After some long exchanges on definitions and proposals, some insightful debates on the arcane differences between "informal" and "non-formal", and some subtle considerations regarding where to put commas, the "Education: a path to citizenship" committee produced the following document. Nevertheless it was an inspiring experience, an opportunity to play the devil's advocate and to observe that people who state that the next generation is moronic are just plain wrong.

In the end, after approval by vote (was harder for committee #4), all contributions from different committees were merged and synthesized, and a final statement was addressed to the Economic and Social Council (EcoSoc). Still wondering if the purpose of such meetings is to have real-life consequences or to share a UN-like moment. Probably the latter: it was a first-time experiment, and it worked, what's better than such human adventures?

mardi 24 avril 2012

Le travail rend libre

Petit jeu : quel candidat à l'élection présidentielle de 2012 a déclaré aujourd'hui avec beaucoup de subtilité que le travail libère ?

Arbeit macht frei

mardi 6 mars 2012

Métrique politique

À l'aune de votations en Suisse et d'élections présidentielles en France, Internet vient aider les électeurs qui ne savent pas exactement qui propose quoi et voudraient en savoir plus.

En Suisse, smartvote construit une métrique politique et vous indique de quel parti vous êtes le plus proche sur la base de réponses à un questionnaire idéologique. Lors de la réunion makeopendata, quelqu'un avait ainsi présenté les politiciens qui semblent en marge de leur propre parti. Au delà de l'automatisation des votes, les lecteurs de ce blog sauront faire preuve d'esprit critique et se prévaloir contre les comportements trop mécaniques pouvant émaner des balbutiements de l'utilisation de ce type d'outil, tout en sachant apprécier ses avantages.

En France, voxe compare les programmes des candidats sur les thématiques de votre choix, de façon neutre.

Internet a également de permis de financer des campagnes électorales, comme ce fut le cas pour le président américain Barack Obama en 2008.

mercredi 8 février 2012

Voter pour un gouvernement

Il est dommage que les candidats à l'élection présidentielle n'annoncent pas le nom des ministres et secrétaires d'État qui constitueraient le gouvernement en cas de victoire. La politique est appliquée par des gens, pas par des idées. Pourtant, c'est assez simple d'affirmer : "Si je suis élu, alors mon premier ministre sera untel, et il choisira untel à l'intérieur, untel à l'économie, untel à l'éducation, etc."

Cela permettrait aux électeurs d'avoir les idées plus claires sur les futurs gouvernements potentiels avant de voter.

lundi 12 décembre 2011

Impôts et réforme fiscale

Dans un monde idéal, nous devrions être contents de payer des impôts. Les impôts sont l'incarnation d'une politique d'intérêt général dans une société. Seulement voilà, en France, pour beaucoup, le système d'imposition est peu réjouissant. Pourquoi ? Hé bien, entre autres pour les raisons suivantes :

  1. Le code fiscal (cf son sommaire) est incompréhensible, et son déchiffrage complique considérablement la vie des citoyens, même dans les cas les plus simples.
  2. Du fait des complexes couches d'abattements, exceptions, réductions, et autres dérogations, les contribuables les plus aisés, appuyés par des conseillers fiscaux (dont l'existence même de la profession est assez révélatrice), payent concrètement moins d'impôts que les plus démunis[1], créant chez ces derniers un sentiment d'injustice face à ce système en pratique dégressif (et même... en théorie, avec les barèmes actuels)[2].
  3. Un autre sentiment d'injustice provient d'inégalités au regard de certains traitements, par exemple les différentes taxations sur les revenus du travail et du capital.
  4. Le gouvernement est assez opaque sur son fonctionnement (constitutions de caisses, de "cagnottes", de fonds secrets, communication peu claire des budgets), ce qui jette le doute sur la pertinence de l'utilisation des deniers publics.
  5. Le gouvernement réussit souvent à gaspiller/dilapider de l'argent public, et en outre certains élus sont adeptes des dépenses somptuaires, semant l'idée que les élus vampirisent l'argent des contribuables à leur seul bénéfice.

Rap-tout

Les deux derniers points cités concernent la transparence, la probité, et l'intelligence gouvernementales, certes un vaste programme. Toutefois, cette entrée se penche sur les trois premiers, qui sont focalisés sur le système fiscal lui-même. La perception généralisée d'un système illisible et inéquitable est certainement néfaste à la cohésion sociale, et c'est dans un certain contexte de défiance contemporaine que trois économistes, Camille Landais, Thomas Piketty, et Emmanuel Saez ont écrit un petit livre, "Pour une révolution fiscale", dont le but est double[3] :

  1. descriptif - présenter le système fiscal actuel et identifier ses faiblesses (en justifiant parfois pourquoi elles existent),
  2. prescriptif - proposer une réforme qui tente de remédier à ces défauts.

En très très résumé, les auteurs montrent qu'au-delà de la complexité du système, le taux d'imposition global est progressif pour les classes populaires et les classes moyennes, puis devient régressif pour les classes aisées. Face à ce constat, ils proposent alors une simplification drastique du système associé à un rééquilibrage des taux d'imposition, tout en laissant le taux moyen de prélèvements obligatoires inchangé. Parmi les mesures proposées, signalons pèle-mêle :

  • l'individualisation de l'impôt avec simplification des règles de quotient familial
  • la fusion de l'impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) et de la contribution sociale généralisée (CSG) en un unique impôt progressif, prélevable à la source
  • la création d'une cotisation patronale généralisée
  • la suppression d'un certain nombre de niches fiscales, dont le bouclier fiscal

Idéalement, notent les auteurs, la question des impôts est en effet tout sauf technique : il s’agit d’une question éminemment politique et philosophique.

Le livre Landais-Piketty-Saez est en fait la partie émergée de l'iceberg d'un logiciel que les auteurs ont développé, un simulateur de système fiscal, associé à un site internet présentant leur projet. Le logiciel, combiné avec les agrégats statistiques fiscaux nationaux de ces dernières années, sous-tend l'ensemble de l'étude. Dès lors, il est appréciable que ces éléments (programmes + données) soient disponibles sur ledit site.

Pourquoi est-ce important ? Parce que le fait que le code source du logiciel et les données fiscales utilisées soient accessibles implique que les résultats des simulations peuvent être reproduits indépendamment[4]. Cette reproductibilité assure l'aspect réel des résultats présentés, dont chacun peut alors vérifier qu'ils ne tombent pas du ciel - c'est le principe de la démarche scientifique.

Les auteurs insistent sur la primauté de leur démarche, et de leurs résultats. Ils notent que ce type de simulateur n’était jusqu’ici disponible que dans les ministères des Finances et dans certains pays au sein des Parlements (comme aux États-Unis, avec le Congressional Budget Office). En France, ni l’Assemblée nationale ni le Sénat ne disposent de ce type d’outil, et les députés doivent s’adresser à Bercy pour obtenir un chiffrage à chaque fois qu’un nouvel amendement fiscal ou budgétaire est proposé. Cela limite singulièrement la capacité d’initiative et de contrôle du pouvoir législatif, et signe la domination en France du pouvoir exécutif. À titre de vérification, il serait intéressant de voir à quel point les simulations du programme des auteurs concordent avec celles de Bercy. Cela dit, en vertu d'une transparence toujours plus exigible, il est étonnant que cet outil gouvernemental soit à ce point peu diffusé, et qu'un tel service émane d'une initiative provenant du milieu universitaire.

Relevons pour finir que ce projet s'inscrit dans la logique de l'utilisation d'internet au service de la politique, et de l'opendata.

Notes

[1] Un exemple au hasard, un montage subtil pour payer moins de droits de succession basé sur la connaissance de la fiscalité néerlandaise. Ce n'est pas un très bon exemple puisque basé sur des lois extra-nationales, mais ça donne une idée des procédures à connaître et savoir appliquer.

[2] Dans l'autre sens, certains contribuables ultra-libéraux considèrent que l'impôt est un racket gouvernemental, et verront en la fraude ou l'évasion fiscale un impératif moral.

[3] Parfois le texte laisse transparaître un peu de is-ought mais dans l'ensemble la distinction entre ces deux facettes est assez claire.

[4] Il y a néanmoins un inconvénient, de taille : il faut disposer du logiciel populaire mais non-libre (et payant, et cher) Stata, ce qui signifie qu'en pratique une proportion infime de gens est à même d'étudier le logiciel, le site internet n'étant qu'une interface permettant d'exploiter seulement quelques-unes de ses possibilités.

mardi 18 octobre 2011

makeopendata

Il y a trois semaines avait lieu la réunion makeopendata suisse, faisant en particulier la promotion de la publication et de l'exploitation de données gouvernementales.

makeopendata 2011 camp

Avoir des données ouvertes n'est pas un but en soi, les exploiter pour les transformer en messages, voire en services, est bien plus intéressant. Des exemples de ce qu'on peut faire dans ce cadre sont présents sur le site visualizing ou sur l'opendata showroom.

L'Open Data Challenge présente également diverses initiatives d'open data. On note parmi les entrées du concours une idée d'European Union Dashboard incluant Open Spending, un service permettant de visualiser les dépenses gouvernementales.

Où trouve-t-on des données ouvertes ? Hé bien, voir ici par exemple. Les données géographiques sont souvent au format esri.

En France, il existe un service des données publiques à Paris. Les données publiques font partie du patrimoine immatériel de l'État. Au sein du gouvernement il existe une mission "chargée de l'ouverture des données publiques et du développement de la plateforme française Open Data" : Etalab, qui annonce la création d'une plateforme pour décembre 2011. En Suisse, pays nativement allergique aux systèmes trop centralisés, il existe des données ouvertes à différentes échelles régionales : données communales, données cantonales, données fédérales...

L'open data démontre que l'informatique peut venir au service d'une plus grande transparence des politiques publiques. Et c'est quelque chose d'inéluctable, car, si vous n'ouvrez pas vos données, quelqu'un d'autre le fera.

mercredi 28 septembre 2011

Débat sur les minarets en Suisse (2009)

Le 29 novembre 2009, les Suisses étaient appelés à voter sur une initiative populaire demandant l'interdiction de construire de nouveaux minarets. À cette occasion, quelques temps avant la votation fut organisé sur la télévision nationale un débat entre Oskar Freysinger, représentant valaisan de l'Union Démocratique du Centre (UDC), et Tariq Ramadan, professeur d'islamologie à Oxford.

"Faut-il interdire les minarets en Suisse ?", tel était le titre de l'émission.


À mon humble avis, Oskar Freysinger a beau parler fort et agiter les mains, il perd ce débat. En résumé, il évoque le fait que pour respecter l'État de droit, il n'est pas question d'aménager les lois civiles pour faire plaisir aux musulmans, ce qui serait le pied dans la porte vers des modifications de plus en plus radicales. Mais d'une part ça n'a rien à voir avec les minarets, d'autre part les exemples qu'il donne ne sont pas pertinents et Tariq Ramadan répète que le Coran stipule que les musulmans résidant dans un pays à majorité non musulmane doivent se soumettre aux lois locales, comme le montre l'échange partie 4 2:26-3:40 avec un autre membre de l'UDC.

À la lumière de ces déclarations, ce que Freysinger et consorts pourraient à la limite dénoncer est le complot diabolique suivant :
  1. Des musulmans commencent à s'installer en Europe. Ils respectent l'islam en étant soumis aux lois civiles du pays où ils résident, prioritaires sur les lois internes religieuses.
  2. Grâce à l'immigration et à la démographie (indice de fécondité supérieur), les musulmans deviennent la majorité de la population.
  3. Par le biais de la démocratie (tyrannie de la majorité), les musulmans changent les lois civiles du pays en celles de la charia.
  4. L'Europe est ainsi progressivement et démocratiquement islamisée, elle est "down by law".
Le fait que les musulmans doivent respecter les lois du pays où ils résident est la pierre angulaire de ce scénario, car elle rend possible l'acceptation initiale des musulmans par les autochtones. En effet, une catégorie de personne qui débarquerait et ne respecterait pas les lois civiles sous le prétexte d'une loi divine différente serait stigmatisée et plus ou moins chassée du pays. Cette conformité aux lois civiles est donc le cheval de Troie de l'invasion, et n'est qu'un passage obligé, mais temporaire, vers le nouvel ordre musulman européen.

À mon humble avis également, ce n'est pas un débat de très haute qualité, car les participants n'arrêtent pas de s'interrompre mutuellement, la modératrice n'arrête pas de changer de sujet, la régie n'arrête pas d'afficher des petites illustrations pendant que les intervenants parlent.

Au final, 57,5% des votants helvétiques ont approuvé l’interdiction de construire de nouveaux minarets, qui est donc rentrée en vigueur. C'est la démocratie.

jeudi 15 septembre 2011

Bleu Rose Rouge

Liberté, Égalité, Fraternité, c'est la devise de la France, la trinité de la République.

La liberté, c'est pouvoir choisir ses actions.

L'égalité, c'est l'assurance de bénéficier des mêmes droits et traitements que ses semblables.

La fraternité, c'est l'entraide parmi les citoyens.

Dès lors, une question se pose : comment un peuple peut-il être libre, égalitaire, et fraternel à la fois ? Dans son essai "Justice et fraternité" (1848), Frédéric Bastiat écrit :

Mais il ne nous est pas démontré que la fraternité se puisse imposer. Si même, partout où elle se manifeste, elle excite si vivement notre sympathie, c'est parce qu'elle agit en dehors de toute contrainte légale. La fraternité est spontanée, ou n'est pas. La décréter, c'est l'anéantir. La loi peut bien forcer l'homme à rester juste; vainement elle essaierait de le forcer à être dévoué.

Ce n'est pas moi, du reste, qui ai inventé cette distinction. Ainsi que je le disais tout à l'heure, il y a dix-huit siècles, ces paroles sortirent de la bouche du divin fondateur de notre religion:

« La loi vous dit : Ne faites pas aux autres ce que vous ne voudriez pas qui vous fût fait. Et moi, je vous dis : Faites aux autres ce que vous voudriez que les autres fissent pour vous. »

Et voilà ce que dit Edgar Morin à ce sujet :

Ce qui est intéressant, c’est que cette formule est complexe, les trois termes sont à la fois complémentaires et antagonistes. La liberté toute seule tue l’égalité et même la fraternité. Imposée, l’égalité détruit la liberté sans réaliser la fraternité. Quant à la fraternité, qui ne peut être instituée par décret, elle doit réguler la liberté et réduire l’inégalité. C’est une valeur qui relève en fait de la liaison de soi-même avec l’intérêt général, c’est-à-dire profondément du civisme. Là où dépérit l’esprit citoyen, là où l’on cesse de se sentir responsable et solidaire d’autrui, la fraternité disparaît. Ces trois notions sont donc très importantes. Il y a des moments historiques où le problème crucial est celui de la liberté, surtout dans des conditions d’oppression, comme sous l’Occupation en France, et il y en a où le problème majeur est celui de la solidarité, ce qui est le cas aujourd’hui.

Reformulée dans une dimension politique, la devise répuplicaine devient : Libéralisme, Communisme, Socialisme. Un drapeau représentatif pourrait être celui représenté ci-dessous, bleu horizon pour le libéralisme, rose SFIO pour le socialisme, et rouge URSS pour le communisme.

Liberté Fraternité Égalité

On constate donc que la devise de la République couvre un très large spectre de l'échiquier politique français !

En caricaturant un peu, on voit apparaître ainsi une différence essentielle entre la gauche et la droite.

  • La droite estime que l'homme est naturellement bon, et va donc privilégier la liberté.
  • La gauche estime que l'homme est naturellement mauvais, et va privilégier l'égalité et la fraternité à travers la contrainte de la loi.