Évidemment, on pourrait se contenter de ces affirmations, mais pour profiter au mieux de la beauté de ces révélations profondes, quoi de plus naturel que d'aller explorer ses raffinements ? Ça tombe bien, l'auteur propose gratuitement sur son site deux documents complémentaires à un livre qu'il a écrit au sujet de ces mystérieuses coïncidences : l'un résume les résultats les plus étonnants, dont celui sur les couleurs, l'autre offre quelques suppléments, avec entre autres une section "critiques et discussion".

Les couleurs dans la bible (l'ancien testament) est un sujet qui a été relativement peu étudié, mais on trouve néanmoins quelques textes intéressants, comme par exemple ici, ici, ici, ou . Vous êtes donc invités à lire ces pages, ainsi que les documents cités précédemment, et à vous faire votre propre opinion. Pour vous aider, vous pouvez utiliser Mechon-mamre pour les recherches de texte dans la bible et Milon pour un dictionnaire hébreu-anglais. L'image ci-dessus n'est pas une image originale de l'auteur, mais elle a été établie à partir des données présentées. La question naturelle est : quelles sont-elles, ces données ? La critique suivante n'est pas basée sur le livre mais uniquement sur les textes publiés sur le site de l'auteur.

Le graphe ci-dessus représente la fréquence de certaines couleurs présentes dans la bible en fonction de leur valeur "alephnumérique". Comment a-t-il été obtenu ? Dans l'interview, l'auteur affirme que le résultat a été immédiat et qu'il n'a modifié aucun chiffre. En un sens, c'est une bonne chose, car sinon sa démarche aurait été comparable à celle d'un archer tirant sur un mur puis peignant une cible autour de la flèche plantée dans le mur. En résumé, loin du picorage, il apparaît que sa démarche naturelle a été la suivante :

  1. Identifier 24 noms de couleurs dans la bible
  2. Sélectionner 5 couleurs dans cet ensemble[1] : bleu (כחול), rouge (אדימ), vert (ירקון), jaune (צהוב), et pourpre (ארגמן), au motif que les quatre premières sont des couleurs de l'arc-en-ciel[2], et la dernière une "exception"
  3. Ignorer "raanane" qui est le teme le plus représenté pour "vert" dans la bible, ignorer aussi "lakh" (לח), ne pas voir, par malchance, que la traduction moderne, "yarok" (ירוק), y figure, et choisir instinctivement à sa place "yérakone" (ירקון) qui est traduit dans la bible par "pâle"
  4. Traduire intuitivement "pourpre" (ארגמן) par "magenta" sachant que, cerise sur le pompon[3], le magenta est une des rares couleurs qui n'a pas de fréquence d'onde naturelle et que dans aucune des traductions standards de la Bible le terme magenta n'est utilisé[4]
  5. Repérer les fréquences correspondant aux couleurs en choisissant conventionnellement pour le magenta une moyenne des fréquences des couleurs primaires qui le composent, soit un teint verdâtre sur le spectre visible
  6. Tracer la courbe fréquence vs valeur numérique du nom, constater que les points peuvent être vaguement interpolés par une droite de régression linéaire de pente 0.22 et d'ordonée à l'origine 471.4 avec coefficient de corrélation R2=0.88, ne pas en croire ses yeux, et être comme un lyon en cage
  7. Assumer que certains choix ont été faits, tout en précisant que, par exemple, une orthographe différente de צהוב ou une traduction de ארגמן par "pourpre" n'aurait pas changé significativement les résultats de l'étude (certes, ils auraient été un peu moins bons, la courbe étant en quelque sorte un best-case scenario, par chance)
  8. Ne pas évoquer d'autres choix possibles (traduire ארגמן non par "magenta" mais par "violet", ou représenter "vert" par לח, par exemple), qui eux, auraient mené à une conclusion opposée
  9. Mentionner qu'on peut obtenir des corrélations encore meilleures en réduisant l'échantillon étudié à quatre couleurs

L'auteur conclut dans l'interview : "le nom hébraïque des couleurs reflète leur fréquence d’onde".

Tout les choix exposés ci-dessus sont probablement justifiés dans le livre. Encore une fois, chacun se fera sa propre opinion.

Notes

[1] En relisant l'article, on remarque qu'il est écrit que Shore a pris les noms des cinq couleurs mentionnées dans la Bible. Or si on regarde la version originale de l'article, (Jerusalem Post), il apparaît clairement que la traduction aurait dû être Shore a pris les noms de cinq couleurs mentionnées dans la Bible. Cette petite erreur malencontreuse change hélas considérablement le sens de la phrase. Quant au titre... Mais bon, évitons de critiquer les journalistes, déjà parce que le Radjaïdjah Blog est un blog, et que les blogs tuent le journalisme, donc on ne va pas trop tirer sur l'ambulance. Et il existe de bons journalistes, par ailleurs.

[2] Les 7 couleurs de l'arc-en-ciel ont été définies par le physicien Isaac Newton (Pourquoi 7 ? Historiquement, pour des raisons... religieuses). Les couleurs orange, indigo, et violet n'apparaissent pas dans la bible. L'arc-en-ciel y est toutefois mentionné, comme symbole de paix entre Dieu et les hommes. Exercice : qui a été le premier homme à voir un arc-en-ciel ?

[3] ou pompon sur le gâteau, pour ceux qui préfèrent.

[4] Pourquoi ארגמן dans la bible n'est-il pas traduit par "magenta" ? Parce que cette couleur, qui provient d'un mollusque appelé "pourpre", est un rouge légèrement bleuté, tandis que la teinte du magenta possède des composantes rouges et bleues en proportions égales. Si on suit le raisonnement qui consiste a appeler ארגמן tout mélange non pur de bleu et de rouge, alors "violet" (couleur qui figure dans l'arc-en-ciel) serait également une traduction adéquate.