Le procès des Fleurs du Mal
Par taz le mercredi 6 septembre 2017, 19:00 - Lol - Lien permanent
Le 20 août 1857, moins de deux mois après leur parution, le recueil de poèmes Les Fleurs du Mal est poursuivi pour « offense à la morale religieuse » et « outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs ». Le procureur impérial, Ernest Pinard, obtiendra face à l'avocat de Baudelaire, Gustave Gaspard Chaix d'Est-Ange, la condamnation du poète à respectivement 300 et 100 francs d'amende par la sixième Chambre correctionnelle du Tribunal de la Seine
Suite à la loi du 25 septembre 1946, le procès fut révisé en 1949, et la Chambre criminelle de la Cour de Cassation affirmera : « les poèmes faisant l’objet de la prévention ne renferment aucun terme obscène ou même grossier et ne dépassent pas, en leur forme expressive, les libertés permises à l’artiste ; que si certaines peintures ont pu, par leur originalité, alarmer quelques esprits à l’époque de la première publication des Fleurs du Mal et apparaître aux premiers juges comme offensant les bonnes mœurs, une telle appréciation ne s’attachant qu’à l’interprétation réaliste de ces poèmes et négligeant leur sens symbolique, s’est révélée de caractère arbitraire ; qu’elle n’a été ratifiée ni par l’opinion publique, ni par le jugement des lettrés ».
Et voici un remake du procès original, organisé par Lysias Paris I le 14 mars 2013, dans la première chambre de la cour d'Appel de Paris.
Historiquement, la plaidoirie de Gustave Gaspard Chaix d'Est-Ange est essentiellement basée sur le fait que Baudelaire peint le vice mais pour mieux le condamner : Est-ce que, sérieusement, ses intentions peuvent être douteuses ; est-ce que vous pouvez hésiter un instant sur le but qu’il a poursuivi et sur la fin qu’il s’est proposée ? Vous l’avez entendu lui-même il n’y a qu’un moment, dans les explications si loyales qu’il vous a données, et vous avez été frappés sans doute et émus de ces protestations d’un honnête homme.
Il a voulu tout peindre, vous a dit le ministère public ; il a voulu tout mettre à nu ; il a fouillé la nature humaine dans ses replis les plus intimes, avec des tons vigoureux et saisissants, il l’a exagérée dans ses côtés hideux, en les grossissant outre mesure… Prenez garde en parlant ainsi, dirai-je à M. le Substitut ; êtes-vous sûr vous-même, de ne pas exagérer quelque peu le style et la manière de Baudelaire, de ne pas forcer la note et de ne pas pousser au noir ? Mais enfin soit ; c’est là sa méthode et c’est là son procédé ; où est la faute, je vous prie, au point de vue même de l’accusation, où est la faute et surtout où peut être le délit, si c’est pour le flétrir qu’il exagère le mal, s’il peint le vice avec des tons vigoureux et saisissants, parce qu’il veut vous en inspirer une haine plus profonde et si le pinceau du poète vous fait de tout ce qui est odieux une peinture horrible, précisément pour vous en donner l’horreur… ?
Cet argument moraliste consistant à présenter l'intention de l'artiste de peindre le vice pour mieux le condamner sera réitéré ultérieurement à de nombreuses reprises, entre autres pour défendre le Marquis de Sade, et même bien plus récemment dans les années 2000 concernant le film Requiem for a Dream de Darren Aronovsky.
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