L'art des maths
Par taz le mardi 10 novembre 2020, 07:00 - Science - Lien permanent
Le colloque Wright pour la science 2020 était consacré cette année à l'art des mathématiques. À distance, C19 oblige.
Au programme :
Le chaos: imprévisible mais compréhensible (Etienne Ghys)
Il est inhabituel qu’une idée mathématique se diffuse dans la société. C’est pourtant le cas avec la théorie du chaos, popularisée grâce à l’effet papillon, imaginé par le météorologue américain Edward Lorenz qui, en 1972, a posé la fameuse question: «Le battement des ailes d’un papillon au Brésil déclenche-t-il une tornade au Texas?». L’idée dans cette image est qu’une cause minime peut avoir de grandes conséquences. Mais peut-on résumer la théorie du chaos d’une manière aussi simpliste? Une théorie scientifique peut-elle se contenter d’énoncés négatifs? Les mathématiciennes et les mathématiciens sont-ils responsables de la transmission inadéquate de cette théorie? Cette conférence s’appliquera à traiter de ces questions et, en particulier, à décrire le côté positif de la théorie. Car il y en a. En effet, il arrive que le chaos engendre une espèce d’ordre. Les systèmes chaotiques sont peut-être imprévisibles mais ils sont loin d’être incompréhensibles.
Le désordre, le hasard et les grands nombres (Laure Saint-Raymond)
Le désordre augmente de manière irréversible. Cette affirmation ne concerne pas forcément la chambre d’un enfant ni la marche du monde. Elle est l’énoncé du second principe de la thermodynamique, exprimé par le physicien Sadi Carnot en 1824. C’est un principe que l’on peut expérimenter tous les jours. Lorsqu’on verse du lait dans de l’eau, par exemple, les deux liquides se mélangent et ne restent pas séparés l’un de l’autre. Les billes à jouer contenues dans un sac ne vont pas s’aligner spontanément selon leur couleur mais se mêler de manière aléatoire. S’il est facile de mélanger deux gaz, il est quasi impossible de les séparer une fois réunis. Cet exposé propose d’étudier un modèle mathématique simple qui explique pourquoi nous pouvons observer un mélange spontané mais pas le phénomène inverse. Spoiler alert: la clé pour comprendre cette irréversibilité temporelle se trouve dans la théorie des probabilités et plus précisément dans la loi des grands nombre.
Un voyage mathématique De l’infiniment petit à l’infiniment grand (Martin Hairer)
Le monde minuscule des particules et des atomes et celui gigantesque de l’univers tout entier sont séparés par environ une quarantaine d’échelles de grandeur différentes. En passant de l’une à l’autre, les lois de la nature peuvent parfois se comporter de manière drastiquement différente, obéissant tantôt à la physique quantique, à la relativité générale, ou encore à la mécanique classique de Newton, sans parler des autres théories intermédiaires. Comprendre les transformations qui s’opèrent d’une échelle à l’autre est une des grandes questions classiques en mathématiques et en physique théorique. Cet exposé a pour objectif d’explorer comment ces questions informent et motivent encore des problèmes intéressants en théorie des probabilités et pourquoi des «toy models», malgré leur caractère superficiellement ludique, peuvent parfois conduire à certaines prédictions quantitatives.
La musique des formes (Alain Connes)
La physique quantique, en particulier la mécanique des matrices, a exercé une profonde influence sur les notions mathématiques d’espace géométrique. Cette conférence expliquera ce lien en traitant, entre autres, de «spectres» et de la «musique des formes». En effet, si les caractéristiques géométriques d’un instrument, par exemple, déterminent les sons qu’il peut produire, inversement la connaissance de la gamme et des accords produits par un objet suffisent à reconstruire sa forme. Cette propriété permet de caractériser les formes géométriques à partir d’invariants qui ne font pas référence à un système de coordonnées. La nouvelle géométrie qui en découle, illustrant le lien mathématique entre perception visuelle et auditive, est riche d’applications en physique, en particulier pour la gravitation et la physique quantique. Ce sera d’ailleurs aussi l’occasion de discuter de la signification des notions de variabilité et de l’émergence du temps.
Les mathématiques : art ou science ? (Stanislas Smirnov)
Les mathématiques sont une science étonnante et mystérieuse. Depuis l’époque de Platon, les philosophes se demandent si les objets mathématiques sont imaginaires ou réels, tandis que les mathématiciens et mathématiciennes démontrent des théorèmes, souvent sans s’interroger sur leur rapport à la réalité. En même temps, des pharaons d’Egypte et des rois de Babylone avaient déjà saisi l’importance pratique des mathématiques, sans parler des progrès technologiques recents reposant en grande partie sur des applications de notre science.
D’où viennent les mathématiques ? Comment les scientifiques choisissent-ils des problèmes à résoudre et pourquoi trouvent-ils les mathématiques si fascinantes ? Pourquoi la science « imaginaire » est si utile dans le monde réel ? Cet exposé ne parviendra pas à répondre à ces questions, mais essaiera de jeter un peu de lumière sur la recherche en mathématiques.
Bonus : une présentation par l'auteur du Radjaïdjah Blog sur le mathématicien Benoît Mandelbrot.
Enfin, ceux qui s'interrogent sur la finalité des maths pourront lire À quoi servent les maths ? (2015).
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