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lundi 29 octobre 2012

Démocratie et populisme

En théorie, la démocratie, ça ne devrait pas marcher. Les classes sociales de catégories les plus basses, en majorité, devraient être à même de profiter de leur surnombre pour écraser la minorité de nantis, ramenant le régime, au final, à une variation du communisme.

90% des participants aiment les tournantes

(et on ne parle pas de ping-pong)

Cet argument contre la démocratie directe est simple : avec le vote majoritaire vient la tyrannie de la majorité et donc l'oppression des minorités, ce qui est injuste (cf l'entrée sur les minarets en Suisse). Cet argument est également anti-utilitariste (cf aussi l'entrée Pétanque, Chariots, et Mandarins).

Avec cela, la Maison de l'histoire de l'université de Genève invitait ce mois-ci Pierre Rosanvallon, auteur de « La société des égaux », à présenter un exposé intitulé Populisme et démocratie.

Le populisme comme pathologie de la démocratie

Le populisme, selon Pierre Rosanvallon, est un phénomène politique émergeant des difficultés intrinsèques de la démocratie et en constituant une pathologie, à travers quatre axes.

1) Le populisme prétend via la sacralisation du referendum symboliser la « vérité définitive de la démocratie », au-delà des limitations de la représentation.

2) Le populisme se méfie des contre-pouvoirs et des autorités indépendantes, qui sont cependant concurrentes et complémentaires à l'expression électorale.

3) Le populisme, en faisant appel à l'instinct grégaire, veut faire croire à une certaine homogénéité des désirs du peuple, en réalité illusoire.

4) Le populisme est un terreau de l'anti-intellectualisme en mettant en avant le bon sens populaire face aux raisonnements méticuleusement argumentés.

Or, pour Pierre Rosanvallon, le peuple n'est pas un « bloc », mais à la fois :

  • un ensemble électoral, qui engendre une vérité arithmétique à la majorité
  • un corps légal via les cours constitutionnelles représentantes de la mémoire de l'intérêt général
  • un tissu social multicolore, enchevêtrement de communautés d'expression

On est donc loin des temps révolutionnaires où le peuple était artistiquement représenté par une statue d'Hercule, ou du XIXe siècle où l'unanimité était requise pour trancher les décisions, les conflits et fractures étaient vus comme anormaux, et quand le peuple ne s'exprimait pas « d'un seul choeur », c'est qu'il devait y avoir un vice interne quelque part.

Cet argument d'uniformité du peuple comme sous-tendant l'identité d'une nation a été retrouvé dans les pays scandinaves, où la perte progressive d'homogénéité était présentée comme une déchéance. Face à cette menace consécutive au démarrage du capitalisme libéral (« première mondialisation »), des réflexes de national-protectionnisme sont apparus à travers la construction d'une solidarité par l'ostracisme via l'expulsion des gens différents et des allogènes (en France, Maurice Barrès avait intitulé son livre « Contre les Étrangers »).

Le populisme comme simplification

Au sens de Rousseau[1], une République est un régime gouverné par des lois. Ces lois peuvent relever d'une constitution ou être fixées par un gouvernement. La première sert à ériger des droits inaliénables, à long terme, tandis que le second permet de s'adapter aux conditions du moment.

Pierre Rosanvallon reproche au populisme d'effacer ces temporalités distinctes lorsque s'opposent les décisions communes instantanées et la volonté collective avec sa dimension historique, perturbant la société dans sa vision à long terme.

D'autre part, le populisme amène une simplification de représentation. Il existe en effet une grande différence entre ce que promettent les campagnes électorales («yes we can») et ce que réalisent les titulaires du permis de gouverner après les élections («no we can't»). C'est cette tension structurale entre figuration et délégation qui est dénoncée ici. Le paradoxe est qu'on ne peut pas envisager un gouvernement qui soit l'incarnation du peuple, et non plus son délégué[2]. Entre Louis XIV « L'État c'est moi » et Staline (« La Société c'est moi »), Pierre Rosanvallon voit comme nécessaire l'apparition d'une théorie démocratique du referendum.

Démocratie complexe

La démocratie est un sujet plus complexe qu'il n'y paraît de prime abord, d'où un besoin de « définition démocratique de la démocratie ». Ses ennemis sont surtout ceux qui prétendent l'accomplir en la simplifiant et la tronquant (et le continent principal du populisme est l'Europe). Il s'agit d'être lucide sur ses difficultés, sans faire preuve de triomphalisme vain, et sans se poser comme professeur ou exportateur de démocratie, ce qui engendre au bout du compte ressentiment et désillusion.

Au-delà des constats a minima sur la démocratie :

  • Il ne faut pas trop attendre trop de la démocratie, elle sert juste à éviter la tyrannie.
  • La démocratie est le pire régime à l'exception de tous les autres (Churchill).

Il apparaît que le but d'un tel régime politique n'est pas d'accumuler des décisions, mais de construire de façon argumentée un monde commun.

Comment trouver le juste équilibre entre démocratie directe, dont la pathologie est le populisme et un suffrage pas forcément éclairé[3], et démocratie représentative, dont la pathologie est la démocratie souveraine ? Pierre Rosanvallon affirme que le progrès ne viendra pas de la multiplication des élections (un système à 20 referendums par jour serait en fin de compte antidémocratique) mais plutôt de la multiplication des formes de représentation. À ce sujet, certains organismes comme le Piratenpartei allemand prônent l'utilisation d'internet pour faciliter le vote par procuration à un délégué de son choix lors d'un referendum afin d'implémenter une démocratie liquide[4] (cf ces vidéos -en allemand- : courte, longue). Soit, pour reprendre la terminologie de Michel Foucault, une façon que chacun nomme ses propres ministres.

Notes

[1] Les Anglais croient qu'ils sont libres parce qu'ils élisent des représentants tous les cinq ans mais ils ne sont libres qu'un jour tous les cinq ans : le jour de l'élection. (J.-J. Rousseau)

[2] On peut citer Chavez face à son électorat, « Je ne suis pas Chavez, mais votre double », ou Evita Peron et le césarisme. Napoléon se faisait appeler l'homme-peuple.

[3] Pierre Rosanvallon semble aussi s'opposer au suffrage capacitaire : « Heureusement que nous ne sommes pas gouvernés par des savants ».

[4] Au Pakistan, le groupe Structural Deep Democracy a utilisé à ces fins le Pagerank, l'algorithme original de Google, montrant ainsi que les moteurs de recherche développent des algorithmes d'élection potentiellement utiles à la démocratie.

lundi 9 juillet 2012

RMLL 2012

Cette semaine ont lieu à Genève les rencontres mondiales du logiciel libre (RMLL), avec plus de 250 conférences, ateliers et tables rondes.

À signaler par exemple :

et bien d'autres... cf le programme complet. Il est également possible de s'inscrire comme bénévole pour aider au bon déroulement des rencontres ou de montrer une présentation éclair de cinq minutes (lightning talk).

mardi 24 avril 2012

Le travail rend libre

Petit jeu : quel candidat à l'élection présidentielle de 2012 a déclaré aujourd'hui avec beaucoup de subtilité que le travail libère ?

Arbeit macht frei

mardi 6 mars 2012

Métrique politique

À l'aune de votations en Suisse et d'élections présidentielles en France, Internet vient aider les électeurs qui ne savent pas exactement qui propose quoi et voudraient en savoir plus.

En Suisse, smartvote construit une métrique politique et vous indique de quel parti vous êtes le plus proche sur la base de réponses à un questionnaire idéologique. Lors de la réunion makeopendata, quelqu'un avait ainsi présenté les politiciens qui semblent en marge de leur propre parti. Au delà de l'automatisation des votes, les lecteurs de ce blog sauront faire preuve d'esprit critique et se prévaloir contre les comportements trop mécaniques pouvant émaner des balbutiements de l'utilisation de ce type d'outil, tout en sachant apprécier ses avantages.

En France, voxe compare les programmes des candidats sur les thématiques de votre choix, de façon neutre.

Internet a également de permis de financer des campagnes électorales, comme ce fut le cas pour le président américain Barack Obama en 2008.

mercredi 8 février 2012

Voter pour un gouvernement

Il est dommage que les candidats à l'élection présidentielle n'annoncent pas le nom des ministres et secrétaires d'État qui constitueraient le gouvernement en cas de victoire. La politique est appliquée par des gens, pas par des idées. Pourtant, c'est assez simple d'affirmer : "Si je suis élu, alors mon premier ministre sera untel, et il choisira untel à l'intérieur, untel à l'économie, untel à l'éducation, etc."

Cela permettrait aux électeurs d'avoir les idées plus claires sur les futurs gouvernements potentiels avant de voter.