Radjaïdjah Blog

mardi 30 janvier 2024

Aleph: from Earth to Sky

In our world surrounded by chaos and disorder, randomness drives evolution. But is everything random? No, according to the Jewish tradition. For instance, the shapes of Hebraic letters aren’t random. Quite the opposite actually: letters have been carefully designed.

Lire la suite...

mercredi 28 juin 2023

Launch of jewart.ai

The Radjaidjah Blog presents the jewart.ai project, paintings around judaism created through the prism of Artificial Intelligence.

vendredi 21 octobre 2022

Prix Nobel de physique 2022 : Dieu joue aux dés

Le prix Nobel de physique 2022, décerné à Alain Aspect, John F. Clauser, et Anton Zeilinger, récompense les démonstrations expérimentales d'un concept inhérent à la mécanique quantique : la non-localité d'un état physique.

Lire la suite...

mardi 30 mars 2021

Qu'as-tu, mer


Qu'as-tu, mer, pour t'enfuir, Jourdain, pour retourner en arrière ?

Qu'avez-vous, montagnes, pour sauter comme des béliers, et vous, collines, comme des agneaux ?

Tremble devant le Seigneur, ô terre ! Devant le Dieu de Jacob,

Qui change le rocher en étang, le roc en source d'eaux.

jeudi 29 novembre 2018

Bohemian Chanukah

Is this real life? Is this just fantasy? No, it's Six13's Chanukah tribute to one of the greatest and most epic songs of all time. Ready, Freddie? Kindle the lights, remember the Maccabees, and rock on.


vendredi 18 mai 2018

Un cadeau pour Chavouot

À l'occasion de Chavouot, le Radjaïdjah Blog vous offre non pas un mais trois courts-métrages !

  1. Platonische Liebe, un film court allemand sur l'inscription d'une adolescente dans un lycée (et qui n'est pas sans rappeler la tradition des produits lactés à Chavouot)
  2. Ah si j'étais juif !, un court-métrage sur certaines difficultés pratiques de la conversion de Tintin junior
  3. Pour l'amour de Sarah, la suite du précédent (spécialement dédicacé à ceux qui ont apprécié 13 ans)




Le blog vous souhaite un excellent Chavouot !

mercredi 20 septembre 2017

Bonne année 5778

La question du jour, que vous vous êtes très certainement posée et qui vous empêche de dormir : combien de fois sonne-t-on le Chophar à Roch Hachana ?

Réponse abrégée.

Le Tanakh mentionne deux sons du chophar : Teqiʿa et Terouʿa. Terouʿa (un son saccadé) apparaît trois fois dans la Bible dans le contexte du Chophar, de cela le Talmud déduit qu'il faut produire ce son trois fois. D'autres passages connectent Teqiʿa (un son ininterrompu) à Terouʿa deux fois, ce qui a conduit le Talmud à légiférer que chaque Terouʿa devait être précédée et suivi d'une Teqiʿa. Du coup on aboutit, au lieu de trois fois Terouʿa, à trois fois Teqiʿa - Terouʿa - Teqiʿa.

Seulement, des doutes ont émergé concernant le véritable son de Terouʿa : s'agit-il de sons brefs successifs (une sorte de gémissement entrecoupé) ou d'impulsions sonores saccadées ? Pas de problèmes, ont dit nos Sages, on va faire toutes les combinaisons possibles.

De fait il existe aujourd'hui quatres types de séquences élémentaires de sonneries :

  • Teqiʿa : son long et ininterrompu ;
  • Terouʿa : série de 9 sons saccadés ;
  • Chevarim : 3 sons brefs ;
  • Teqiʿa Guedola : très long son ininterrompu

Et donc pour lever toute ambiguïté, le bloc de séquences officiel est :

Teqiʿa - Chevarim - Terouʿa - Teqiʿa x3, soit 12 séquences élémentaires Teqiʿa - Chevarim - Teqiʿa x3, soit 9 séquences élémentaires Teqiʿa - Terouʿa - Teqiʿa x3, soit 9 séquences élémentaires

Soit au total 30 séquences élémentaires par bloc.

Le bloc est récité trois fois au cours de la prière de Roch Hachana, pour faire court : une fois avant la prière de Moussaf, une fois pendant, et une fois après.

Une dernière série de dix séquences élémentaires est récitée pendant le Kaddich Titkabal, et finalement une ultime Teqiʿa Guedola (très long son ininterrompu) vient conclure l'office de Roch Hachana.

Total : 30 + 30 + 30 + 10 + 1 = 101 sons.

Il existe bien sûr d'autres coutumes avec un nombre différent de sons, les autorités religieuses recommendent de respecter simplement la tradition de chaque communauté.

Bonne année 5778 à tous !

lundi 10 avril 2017

Lepainoutai

En 1993 Haruki Murakami publiait L'éléphant s'évapore, un recueil de nouvelles incluant deux récits étranges sur deux attaques de boulangeries. Ces deux nouvelles seront rééditées en 2012 dans le livre Les attaques de la boulangerie.

Vingt-quatre ans plus tard, voici... lepainoutai, chanson inspirée de Stromae.

Le Radjaïdjah Blog vous souhaite une bonne sortie d'Égypte !

vendredi 13 janvier 2017

L'interprêtation des rêves

La récente lecture de l'histoire de Joseph (paracha Vayechev) est l'occasion de rappeler une phrase du Talmud :

חלמא דלא מפשר כאגרתא דלא מקריא

Tout rêve non interprêté est comme une lettre non lue.

Le premier rêve qui apparaît dans la Torah est le songe de Jacob sur le Mont Moriah : l'Échelle de Jacob :

« Jacob quitta Beer-Sheva, et s'en alla vers Haran. Il arriva en ce lieu et y resta pour la nuit car le soleil s'était couché. Prenant une des pierres de l'endroit, il la mit sous sa tête et s'allongea pour dormir. Et il rêva qu'il y avait une échelle reposant sur la terre et dont l'autre extrémité atteignait le ciel ; et il aperçut les anges de Dieu qui la montaient et la descendaient ! Et il vit Dieu (...) »

Chagall - L'Échelle de Jacob

Marc Chagall, L'Échelle de Jacob, 1973

Symbole du pont entre le ciel et la terre que matérialise cette échelle, en hébreu, le mot échelle (סלם) a la même valeur numérique que סיני (Sinaï), le lieu du don de la Torah. C'est également la valeur numérique du mot araméen signifiant argent (ממן, Mammon). KabbalaToons dirait que c'est un signe que l'argent peut mener à des sommets, mais qu'il est important de garder les pieds sur Terre.

Néanmoins, il semble que pour le judaïsme, rêver est important, puisque la guemara affirme : Celui qui dort sept jours sans rêver est appelé mauvais. Le rêve transcende la réalité, ce qu'on peut comparer avec par exemple... le chabbat. Six jours dans la semaine sont matériels, on travaille pour manger, alors que le chabbat c'est le contraire, on ne travaille pas, pour très bien manger.

Les rêves suivants dans la Torah concernent Joseph, un des douze fils de Jacob, à propos de gerbes de blé, puis d'astres (Genèse, 37).

05 Joseph eut un songe et le raconta à ses frères qui l’en détestèrent d’autant plus.
06 « Écoutez donc, leur dit-il, le songe que j’ai eu.
07 Nous étions en train de lier des gerbes au milieu des champs, et voici que ma gerbe se dressa et resta debout. Alors vos gerbes l’ont entourée et se sont prosternées devant ma gerbe. »
08 Ses frères lui répliquèrent : « Voudrais-tu donc régner sur nous ? nous dominer ? » Ils le détestèrent encore plus, à cause de ses songes et de ses paroles.
09 Il eut encore un autre songe et le raconta à ses frères. Il leur dit : « Écoutez, j’ai encore eu un songe : voici que le soleil, la lune et onze étoiles se prosternaient devant moi. »
10 Il le raconta également à son père qui le réprimanda et lui dit : « Qu’est-ce que c’est que ce songe que tu as eu ? Nous faudra-t-il venir, moi, ta mère et tes frères, nous prosterner jusqu’à terre devant toi ? »

Ce passage est commenté entre autres dans le Talmud (guemara Berakhot 55a).

ואמר רב חסדא לא חלמא טבא מקיים כוליה ולא חלמא בישא מקיים כוליה

Rav Hisda dit : Ni un bon ni un mauvais rêve n'est réalisé dans tous ses détails.

אלא אמר ר’ יוחנן משום ר’ שמעון בן יוחי כשם שאי אפשר לבר בלא תבן כך אי אפשר לחלום בלא דברים בטלים

Mais dit Rav Yohanan au nom de Rav Simeon ben Yohai :

Comme on ne peut avoir de blé sans épi, de même il est impossible pour un rêve d'être sans quelque chose de vain.

אמר ר’ ברכיה חלום אף על פי שמקצתו מתקיים כולו אינו מתקיים מנא לן מיוסף דכתיב (בראשית לז, ט) והנה השמש והירח וגו

Berekiah dit :

Un rêve, bien qu'il puisse être accompli partiellement, n'est jamais réalisé totalement. D'où apprenons-nous cela ? De Joseph, puisqu'il est écrit : « Voici que le soleil, la lune et onze étoiles se prosternaient devant moi. » (Gen. 37:9).

Un peu plus tard, alors que Joseph est en prison , il a l'occasion d'interprêter les rêves de l'échanson et du panetier (Genèse, 40) :

05 Une même nuit, l’échanson et le panetier du roi d’Égypte firent tous deux un songe, alors qu’ils étaient prisonniers dans la prison. Et chacun des songes avait sa propre signification.
06 Au matin, quand Joseph entra chez eux, il vit qu’ils avaient la mine défaite.
07 Il demanda donc aux dignitaires de Pharaon qui étaient avec lui au poste de garde, dans la maison de son maître : « Pourquoi vos visages sont-ils si sombres aujourd’hui ? »
08 Ils lui répondirent : « Nous avons eu un songe, et il n’y a personne pour l’interpréter. » Joseph leur dit : « N’est-ce pas à Dieu qu’il appartient d’interpréter ? Racontez-moi donc ! »
09 Le grand échanson raconta à Joseph le songe qu’il avait fait : « J’ai rêvé qu’une vigne était devant moi.
10 Elle portait trois sarments. Elle bourgeonnait, fleurissait, puis ses grappes donnaient des raisins mûrs.
11 J’avais entre les mains la coupe de Pharaon. Je saisissais les grappes, je les pressais au-dessus de la coupe de Pharaon et je lui remettais la coupe entre les mains. »
12 Joseph lui dit : « Voici l’interprétation : les trois sarments représentent trois jours.
13 Encore trois jours et Pharaon t’élèvera la tête, il te rétablira dans ta charge, et tu placeras la coupe entre ses mains, comme tu avais coutume de le faire précédemment quand tu étais son échanson.
14 Mais quand tout ira bien pour toi, pour autant que tu te souviennes d’avoir été avec moi, montre ta faveur à mon égard : rappelle-moi au souvenir de Pharaon et fais-moi sortir de cette maison !
15 En effet, j’ai été enlevé au pays des Hébreux, et là non plus je n’avais rien fait pour qu’on me jette dans la citerne. »
16 Voyant que Joseph avait fait une interprétation favorable, le grand panetier lui dit : « Moi, j’ai rêvé que je portais sur la tête trois corbeilles de gâteaux.
17 Et dans la corbeille d’au-dessus, il y avait tous les aliments que le panetier fabrique pour la nourriture de Pharaon, et les oiseaux picoraient dans la corbeille au-dessus de ma tête. »
18 Joseph répondit : « Voici l’interprétation : les trois corbeilles représentent trois jours.
19 Encore trois jours et Pharaon t’élèvera la tête, il te pendra à un arbre, et les oiseaux picoreront ta chair. »
20 Le troisième jour, jour anniversaire de Pharaon, celui-ci fit un festin pour tous ses serviteurs. Il éleva la tête du grand échanson et celle du grand panetier en présence de ses serviteurs :
21 il rétablit dans sa charge le grand échanson, et celui-ci plaça la coupe entre les mains de Pharaon ; 22 mais le grand panetier, il le pendit, comme l’avait annoncé Joseph.
23 Toutefois le grand échanson ne se souvint pas de Joseph ; il l’oublia.

Puis (Genèse, 41) :

01 Deux ans plus tard, Pharaon eut un songe. Il se tenait debout près du Nil,
02 et voici que montaient du Nil sept vaches, belles et bien grasses, qui broutaient dans les roseaux.
03 Puis, derrière elles, montaient du Nil sept autres vaches, laides et très maigres. Elles se tenaient à côté des premières, sur la rive du Nil.
04 Et les vaches laides et très maigres mangeaient les sept vaches belles et bien grasses. Alors Pharaon s’éveilla.
05 Il se rendormit et fit encore un songe : sept épis montaient sur une seule tige ; ils étaient gros et beaux.
06 Puis, après eux, germaient sept épis maigres et desséchés par le vent d’est.
07 Et les épis maigres avalaient les sept épis gros et pleins. Alors Pharaon s’éveilla : c’était un songe !
08 Mais le matin, son esprit était troublé ; il fit convoquer tous les magiciens et tous les sages d’Égypte. Pharaon leur raconta les songes, mais personne ne pouvait les interpréter.
09 Alors le grand échanson parla à Pharaon en ces termes : « Aujourd’hui, je me rappelle mes fautes.
10 Pharaon s’était irrité contre ses serviteurs et il m’avait mis au poste de garde, dans la maison du grand intendant, et avec moi, le grand panetier.
11 Une même nuit, nous avons fait un songe, moi et lui. Et chacun des songes avait sa propre signification.
12 Il y avait là, avec nous, un jeune Hébreu, serviteur du grand intendant. Nous lui avons raconté nos songes et il a donné à chacun l’interprétation du songe qu’il avait fait.
13 Et ses interprétations s’avérèrent exactes : moi, on m’a rétabli dans ma charge, et l’autre, on l’a pendu. »
14 Pharaon fit appeler Joseph. En toute hâte, on le tira de son cachot. Il se rasa, changea de vêtements et se rendit chez Pharaon.
15 Pharaon dit à Joseph : « J’ai fait un songe et personne ne peut l’interpréter. Mais j’ai entendu dire de toi, qu’il te suffit d’entendre raconter un songe pour en donner l’interprétation. »
16 Joseph répondit à Pharaon : « Ce n’est pas moi, c’est Dieu qui donnera à Pharaon la réponse qui lui rendra la paix. »
17 Alors, Pharaon dit à Joseph : « Dans le songe, j’étais debout au bord du Nil,
18 et voici que montaient du Nil sept vaches, bien grasses et de belle allure, qui broutaient dans les roseaux.
19 Puis, derrière elles, montaient sept autres vaches, chétives, très laides et décharnées. Je n’en avais jamais vu d’une telle laideur dans tout le pays d’Égypte.
20 Les vaches décharnées et laides mangeaient les premières vaches, les grasses,
21 qui entraient dans leur panse. Mais on ne s’apercevait pas que les grasses étaient entrées dans leur panse : elles restaient aussi laides qu’avant. Alors je me suis réveillé.
22 Mais j’ai encore vu, en songe, sept épis qui montaient sur une seule tige ; ils étaient pleins et beaux.
23 Puis, après eux, germaient sept épis durcis, maigres et desséchés par le vent d’est.
24 Et les épis maigres avalaient les sept beaux épis. J’en ai parlé aux magiciens, mais personne n’a pu me fournir d’explication. »
25 Joseph répondit à Pharaon : « Pharaon n’a eu qu’un seul et même songe. Ce que Dieu va faire, il l’a indiqué à Pharaon.
26 Les sept belles vaches représentent sept années, et les sept beaux épis, sept années : c’est un seul et même songe !
27 Les sept vaches décharnées et laides qui montaient derrière les autres représentent sept années ; de même, les sept épis vides et desséchés par le vent d’est. Ce seront sept années de famine.
28 C’est bien ce que j’ai dit à Pharaon : ce que Dieu va faire, il l’a montré à Pharaon.

La saga de Joseph a été analysée par de nombreux sages, rabbins, et commentateurs juifs et d'autres religions ; ceux qui apprécieraient une approche plus académique pourront se tourner vers le cours du professeur Thomas Römer donné au Collège de France : « L’Égypte et la Bible : l’histoire de Joseph (Genèse 37-50) », dont le pitch est : L’histoire de Joseph, un des douze fils du patriarche d’Israël Jacob, est l’une des plus fameuses success story de la Bible. Après avoir été vendu par ses frères qui le jalousaient, le jeune homme se retrouve à la cour de pharaon où il fait fortune et monte au plus haut sommet de la hiérarchie égyptienne. A travers ce roman biblique, c’est toute une réflexion sur le rôle de la diaspora, qui conclut la saga nationale des Patriarches d’Israël, à la fin du Livre de la Genèse.

La mystique juive nous raconte trois choses sur les rêves :

  • Pendant que l'on dort, un soixantième de l'âme quitte le corps recharger ses batteries dans le monde spirituel, pour ne revenir qu'au moment du réveil.
  • La plupart des rêves sont futiles, et seuls les rêves du matin peuvent être importants.
  • L'interprêtation d'un rêve dépend du sens que l'on lui donne.

Enfin, comme dans le Yi King taoïste, ou comme chez Freud, il existe de nombreux symboles oniriques ; ainsi une marmite, une colombe, ou un fleuve représentent la paix.

En souhaitant de beaux rêves aux lecteurs.

Crédit : l'essentiel de cet article est à mettre au crédit de R. Sabbag.

vendredi 23 septembre 2016

Ascenseurs de Chabbat

Le rabbin David Sedley nous rappelle une anecdote extraite de la biographie de Richard Feynman, un des plus grands physiciens du XXe siècle, intitulée Surely you're joking, Mr. Feynman![1].

Anecdote de Richard Feynman (en anglais) Anecdote de Richard Feynman (en anglais)

A footnote: While I was at the conference, I stayed at the Jewish Theological Seminary, where young rabbis - I think they were Orthodox - were studying. Since I have a Jewish background, I knew of some of the things they told me about the Talmud, but I had never seen the Talmud. It was very interesting. It's got big pages, and in a little square in the corner of the page is the original Talmud, and then in a sort of L-shaped margin, all around this square, are commentaries written by different people. The Talmud has evolved, and everything has been discussed again and again, all very carefully, in a medieval kind of reasoning. I think the commentaries were shut down around the thirteen or fourteen- or fifteen-hundreds - there hasn't been any modern commentary. The Talmud is a wonderful book, a great big potpourri of things: trivial questions, and difficult questions - for example problems of teachers, and how to teach - and then some trivia again, and so on. The students told me that the Talmud was never translated, something I thought was curious, since the book is so valuable.
One day, two or three of the young rabbis came to me and said, "We realize that we can't study to be rabbis in the modern world without knowing something about science, so we'd like to ask you some questions."
Of course there are thousands of places to find out about science, and Columbia University was right near there, but I wanted to know what kinds of questions they were interest in.
They said, "Well, for instance, is electricity fire?"
"No," I said, "but... what is the problem?"
They said, "In the Talmud it says that you're not supposed to make fire on a Saturday, so our question is, can we use electrical things on Saturdays?"
I was shocked. They weren't interested in science at all! The only way science was influencing their lives was so they might be able to interpret better the Talmud! They weren’t' interested in the world outside, in natural phenomena; they were only interested in resolving some question brought up in the Talmud.
And then one day - I guess it was a Saturday - I want to go up in the elevator, and there's a guy standing near the elevator. The elevator comes, I go in, and he goes in with me. I saw, "Which floor?" and my hand's ready to push one of the buttons. "No, no!" he says, "I'm supposed to push one of the buttons for you.
"What?"
"Yes!" The boys here can't push the buttons on Saturday, so I have to do it for them. You see, I'm not Jewish, so it's all right for me to push the buttons. I stand near the elevator, and they tell me what floor, and I push the button for them."
Well this really bothered me, so I decided to trap the students in a logical discussion. I had been brought up in a Jewish home, so I knew the kind of nitpicking logic to use, and I thought "Here's fun!"
My plan went like this: I'd start off by asking, "Is the Jewish viewpoint a viewpoint that any man can have? Because if it is not, then it's certainly not something that is truly valuable for humanity... yak, yak, yak." And then they would have to say, "Yes, the Jewish viewpoint is good for any man."
Then I would steer them around a little more by asking, "Is it ethical for a man to hire another man to do something which is unethical for him to do? Would you hire a man to rob for you, for instance?" And I keep working them into the channel, very slowly, and very carefully, until I've got them - trapped!
And do you know what happened? They're rabbinical students, right? They were ten times better than I was! AS son as they saw I could put them in a hole, they went twist, turn, twist - I can't remember how - and they were free! I thought I had come up with an original idea - phooey! It had been discussed in the Talmud for ages! So they cleaned me up just as easy as pie - they got right out.
...
Something else happened at that time which is worth mentioning here. One of the questions the rabbinical students and I discussed at some length was why it is that in academic things, such as theoretical physics, there is a higher proportion of Jewish kids than their proportion in the general population. They rabbinical students thought the reason was that the Jews have a history of respecting learning: They respect their rabbis, who are really teachers, and they respect education. The Jews pass on this tradition in their families all the time, so that if a boy is a good student, it's as good as, if not better than, being a good football player.
It was the same afternoon that I was reminded how true it is. I was invited to one of the rabbinical students' home, and he introduced me to his mother, who had just come back from Washington, D.C. She clapped her hands together, in ecstasy, and said, "Oh! My day is complete. Today I met a general, and a professor!"
I realized that there are not many people who think it's just as important, and just as nice, to meet a professor as to meet a general. So I guess there's something in what they said.

Ce récit soulève la question de l'utilisation des ascenseurs pendant Chabbat. Comme de nombreux sujets dans le judaïsme, c'est une problématique qui apparait toute simple mais qui en profondeur est assez complexe.

Durant Chabbat (en gros du vendredi soir au samedi soir), jour qui correspond au repos de Dieu après avoir créé le monde, les juifs ont 39 interdictions à respecter. Ces 39 interdictions se rapportent aux 39 travaux nécessaires à la construction du Temple. L'une d'elle, l'interdiction d'allumer un feu, a été modernisée en : interdiction de modifier la tension électrique d'un appareil. Ainsi il est interdit d'allumer ou d'éteindre la lumière durant Chabbat.

Passons les problèmes inhérents aux appareils électroménagers du type réfrigérateur ou four électrique, et intéressons-nous aux ascenseurs.

Il parait assez clair que l'utilisation normale d'un ascenseur transgresse un interdit de Chabbat, puisque le fait d'appuyer sur le bouton de l'étage de destination actionne le moteur de l'ascenseur.

On peut poser alors la question : oui mais si c'est un goy qui appuie sur le bouton ?

Les réponses usuelles sont alors :

Si le goy appuie sur le bouton de son étage, c'est ok, car il fait l'action pour lui-même, en revanche s'il appuie sur le bouton de l'étage du juif (comme dans le récit de Feynman) ce n'est pas ok car le juif profite directement de cette action.

Bien sûr, ce n'est pas si simple, car pour des questions de sécurité la plupart des ascenseurs modernes sont équipés d'un faisceau infrarouge au niveau de l'entrée, dont la coupure entraîne la réouverture des portes, afin d'empêcher que les portes se refement sur quelqu'un en train d'entrer ou de sortir.

Mais même, en admettant que l'ascenseur n'ait pas de faisceau infrarouge ou que l'on puisse sortir assez rapidement sans l'actionner, est également soulevé un problème d'apparence, car que va penser un juif en voyant un autre juif prendre l'ascenseur pendant Chabbat ? Il suffit de l'informer, répondra-t-on.

Évidemment, en creusant un peu, d'autres questions surgissent, et c'est là que le sujet devient scientifique. L'ajout d'une personne juive dans l'ascenseur ne provoque-t-elle pas un poids supplémentaire dans la cabine, donc une augmentation de la puissance du moteur lors de l'utilisation, voire la création d'étincelles ? Oui, pour les ascenseurs standards, disent de nombreux rabbins. Plus précisément, un ascenseur standard pourrait entre autres :

  • déclencher le mécanisme de ralentissement avant l'arrivée du fait du poids des personnes à bord
  • déclencher la lumière intérieure de l'étage en cours du fait de la présence des occupants
  • déclencher l'ouverture des portes, comme mentionné précédemment

De fait certaines autorités religieuses, comme le rabbin lithuanien Yossef Chalom Elyachiv, ont complètement prohibé l'utilisation d'ascenseurs durant Chabbat.

D'un autre côté, des esprits créatifs ont conçu l'ascenseur de Chabbat. Un ascenseur spécial, qui, en mode Chabbat, fonctionne toujours à pleine puissance, s'arrête automatiquement à tous les étages, bref évite tous les problèmes sus-cités. Des brevets ont même été déposés.

L'Institut Tsomet dirigé par le Rabbin Yisrael Rosen a étudié le problème plus en détails (on atteint déjà une bonne dizaine de pages) pour arriver à toutes les conditions que doit satisfaire un ascenseur pour que ses utilisateurs chabbatiques ne transgressent aucune interdiction.

En conclusion, deux juifs, trois avis !

Note : la motivation initiale de cet article était de savoir si un paternoster[2] pouvait faire office d'ascenseur de Chabbat.

Un paternoster

Notes

[1] Interjection à laquelle selon la légende Richard Feynman aurait répondu : No I'm not joking. And don't call me Shirley.

[2] Le site 99% invisible (99pi pour les intimes) est une mine d'or pour les amateurs d'architecture urbaine. Voir par exemple cet article sur les Ampelmännchen (signaux lumineux pour le passage des piétons aux feux rouges) de différentes villes du monde.

vendredi 22 avril 2016

Un seder plus sûr

Après Bo et When do we eat?, voici en 2016 quelques consignes de sécurité pour Pessah.


Source : Fondation Charles & Lynn Schusterman.

חַג פֶּסַח שָׂמֵחַ

vendredi 29 janvier 2016

Yitro, les 10 commandements

Résumé des épisodes précédents (previously on Shemot) : suite à la dixième plaie, la mort des premiers-nés égyptiens, Pharaon laisse les Hébreux quitter le pays. Après une traversée maritime sortant quelque peu de l'ordinaire et autres péripéties, ces derniers arrivent au pied du Mont Sinaï. Là, grâce à Yitro[1], beau-père de Moïse, dans une nuée d'effets synesthétiques de toute beauté, ils reçoivent les 10 commandements.

1 אָנֹכִי ה' אֱלֹקֶיךָ, אֲשֶׁר הוֹצֵאתִיךָ מֵאֶרֶץ מִצְרַיִם מִבֵּית עֲבָדִים

Je suis l'Éternel, ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays d'Égypte, d'une maison d'esclavage.

2 לֹא-יִהְיֶה לְךָ אֱלֹקִים אֲחֵרִים, עַל-פָּנָי

Tu n'auras pas d'autre dieu que moi.

3 לֹא תִשָּׂא אֶת-שֵׁם- ה' אֱלֹקֶיךָ, לַשָּׁוְא

Tu n'invoqueras pas le nom de l'Éternel ton Dieu à l'appui du mensonge.

4 זָכוֹר אֶת-יוֹם הַשַּׁבָּת, לְקַדְּשׁוֹ

Souviens-toi du jour du Chabbat pour le sanctifier.

5 כַּבֵּד אֶת-אָבִיךָ, וְאֶת-אִמֶּךָ

Honore ton père et ta mère.

6 לֹא תִרְצָח

Ne tue pas.

7 לֹא תִנְאָף

Ne commets pas d’adultère.

8 לֹא תִגְנֹב

Ne vole pas.

9 לֹא-תַעֲנֶה בְרֵעֲךָ עֵד שָׁקֶר

Ne rends pas de faux témoignage au sujet de ton prochain.

10 לֹא תַחְמֹד

Ne convoite pas.

Les 10 commandements

Les 10 commandements (ou plus précisément les 10 paroles), célébrés lors de la fête de Chavouot, constituent une pierre angulaire du judaïsme. Mais sont-ils utiles en pratique ? Une réponse intéressante est apportée par Rav David Fohrman, à l'aide d'une analyse s'appuyant sur la structure des 10 commandements.

Au-delà du contenu purement textuel des commandements, la structure que leur a conférée son auteur va éclairer leur sens sous un nouveau jour.

Pour en savoir plus, vous êtes invités à lire La Structure Cachée des Dix Commandements, traduction et adaptation française de très bonne qualité de Seeing the Superstructure of the Ten Commandments.

Ceux qui suivent le blog depuis ses débuts savent que LA référence sur les 10 commandements reste la présentation de George Carlin sur le sujet.

Note

[1] Parfois également orthographié Ytro, Ythro, Yithro, ou francisé en Jéthro.

mardi 8 décembre 2015

Dreidl

Un des symboles communément associé à Hanoucca (fête des lumières) est la toupie (en hébreu : סביבון, sevivon), et plus particulièrement le dreidl.

Dreidl

Un dreidl est une toupie à 4 faces (mathématiquement, un 4-dé), où sur chaque face est inscrite une lettre hébraïque. Ces quatre lettres sont נ (noune), ג (guimel), ה (hé) et ש (chine). Elles constituent les initiales de la phrase :

נס גדול היה שם

qui se prononce "Nes Gadol Haya Cham", et qui signifie "un grand miracle a eu lieu là-bas".

Sur les toupies distribuées en Israël depuis 1948, le chine est remplacé par un פ (pé) et la phrase devient

נס גדול היה פה, "Nes Gadol Haya Po", qui signifie "un grand miracle a eu lieu ici".

Le classique jeu de Dreidl se pratique avec les règles suivantes :

  • Tous les joueurs débutent avec le même nombre de jetons/pièces/bonbons (en général entre 10 et 15).
  • Au début de chaque tour, chaque joueur place un ante d'un ou deux jetons au centre (pot commun)
  • Chacun leur tour les joueurs lancent la toupie, et en fonction du résultat doivent recevoir ou donner des jetons au pot. Plus précisément :
    1. נ (noune) -> le joueur passe son tour
    2. ג (guimel) -> le joueur ramasse tout le pot, et chacun replace un ante pour un nouveau tour
    3. ה (hé) -> le joueur prend la moitié du pot
    4. ש (chine) -> le joueur doit placer un jeton dans le pot
  • Le vainqueur est le premier à récolter tous les jetons.

Magie, le lien entre les lettres et les actions en découlant peut se retrouver via le yiddich : en effet

  1. נ (noune) correspond à nischt (rien), en allemand moderne : nichts
  2. ג (guimel) correspond à gants (tout), en allemand moderne : ganz
  3. ה (hé) correspond à halb (moitié), en allemand moderne : halb
  4. ש (chine) correspons à shtel ayn (dépose), en allemand moderne : stell ein

Il existe des versions plus modernes du jeu, dont le Texas Dreidel, combinant Dreidl et poker Hold'em.

Un commentaire du midrach relate que les quatre faces du Dreidl peuvent être associées aux quatre royaumes s'opposant au peuple juif[1] :

  1. נ (noune) correspond à Nabuchodonozzor (Babylone)
  2. ג (guimel) correspond à Gog (Grèce)
  3. ה (hé) correspond à Haman (Perse)
  4. ש (chine) correspons à Séir/Esaü (Rome)

Pour finir, ceux qui ont lu l'article sur les pierres précieuses dans la torah se souviendront de l'aspect messianique du serpent. Concernant Hanoucca, on relèvera simplement que נגהש a pour guematria (valeur numérique) 358, soit celle de... משיח !

Sources :
Amy Scheinerman, How to play Dreidl
Rabbi Yaakov, Secret of the Dreidel

חנוכה סמח

Note

[1] Evidemment, il existe une autre interprètation qui affirme que les lettres sont à mettre en rapport avec Nefech (l'esprit), Gouf (le corps), Hacol (la totalité), et Sekhel (la sagesse), qu'ont attaqués respectivement Babylone, la Perse, Rome, et les Grecs.

vendredi 11 septembre 2015

Get Clarity

Pour la nouvelle année, un clip daft-punkien : « Éclaire ta vie » (Get Clarity).


Bonne année 5776 !

vendredi 3 avril 2015

Ma Nichtana ?

Ma Nichtana, Shlomo Cohen

קריקטורה׃ שלמה כהן

צרפתית׃ ארץ ישראל

חג פסח שמח

mercredi 4 février 2015

Pi est irrationnel

Dans la Bible (Rois I,7,23), il est marqué, parlant d'une grande bassine en fonte construite par Hiram de Tyr pour le roi Salomon (traduction du rabbinat français sous la direction du grand rabbin Zadoc Kahn) : Parfaitement circulaire, elle avait dix coudées d'un bord à l'autre, et cinq coudées de hauteur ; une ligne de trente coudées en mesurait le tour. Comme évoqué dans l'article l'âge du monde : science vs torah, on voit là que pour l'auteur de ce passage du récit biblique, \(\pi =3\).

Bon, en admettant que ce soit un arrondi, si l'auteur avait eu une connaissance un peu plus précise de \(\pi\), il aurait mesuré la circonférence à trente-et-une coudées, et non trente. À moins bien sûr que ce soit le diamètre qui soit arrondi de 30/\(\pi\) coudées à 10. En tout état de cause, ces estimations ne sont pas très précises pour un texte divin.

Selon Rav M. Bitton, la connaissance sur la précision de \(\pi\) est en réalité subtilement dissimulée dans le texte, puisque dans le verset le mot קו (numériquement : 106) est écrit suivant une variante orthographique קוה (numériquement : 111), et 111 / 106 * 3 = 3.1415094..., soit \(\pi\) à la quatrième décimale près.

M. Bitton souligne ensuite que \(\pi\) est extrêmement problématique et fantasmatique car on n'a pas encore réussi à l'exprimer comme rapport de deux entiers. Pas encore.

Et en fait, pour faire gagner du temps à M. Bitton, on n'y arrivera jamais. Car :

\(\pi \notin \mathbb{Q}\)

ce qui signifie que \(\pi\) ne peut pas être exprimé comme fraction de deux nombres entiers. En mathématiques, on nomme cette propriété d'un nombre irrationnalité.

D'après Rav Wikipédia, Al-Khawarizmi, au IXe siècle, est persuadé que \(\pi\) est irrationnel. Moïse Maïmonide fait également état de cette idée durant le XIIe siècle.

La preuve en fut finalement apportée en 1767 par le mathématicien Johann Heinrich Lambert dans son article « Mémoire sur quelques propriétés remarquables des quantités transcendentes circulaires et logarithmiques », dont la première phrase est : Démontrer que le diamètre du cercle n'est point à la circonférence comme un nombre entier à un nombre entier, c'est là une chose dont les géomètres ne seront guère surpris.

En voici une démonstration moderne et élégante, due à Ivan Niven en 1946.

Supposons que \(\pi\) puisse s'écrire comme rapport de deux nombres entiers : \(\pi=a/b, (a,b) \in \mathbb{N}^2\).

Pour tout entier naturel \(n\) on définit les polynômes :

\(P_n(X)=\frac{X^n(a-bX)^n}{n!}\)

et

\(F_n(X)= P_n(X) - P_n^{(2)}(X) + P_n^{(4)}(X) - ... + (-1)^n P_{n}^{(2n)}(X) \)

où \(^{(k)}\) dénote la dérivée k-ième d'une fonction.

Clairement \(n! P_n(x)\) est une fonction polynômiale à coefficients entiers et non nuls pour les termes de degrés compris entre \(n\) et \(2n\). Donc ses dérivées successives \(P_n^{(k)}(x)\) ont des valeurs entières en \(x=0\), ainsi qu'en \(x=\pi=a/b\), puisque \(P_n(x) = P_n(a/b-x)\).

Un calcul simple montre que :

\(\begin{equation}\frac{d}{dx} [ F'_n(x) \sin x - F_n(x) \cos x ] = F''_n(x) \sin x +F_n(x) \sin x = P_n(x) \sin x \end{equation}\)

et donc que :

\( \begin{equation}\label{1} \mathrm{(1)} \int_0^\pi P_n(x) \sin x = [ F'_n(x) \sin x - F_n(x) \cos x ]_0^\pi = F_n(\pi) +F_n(0) \end{equation}\).

Or comme \(P_n^{(k)}(\pi)\) et \(P_n^{(k)}(0)\) sont entiers, \(F_n(\pi) +F_n(0) \) doit l'être aussi. Mais en vertu de la définition de \( P_n(X) \), pour \( 0 \lt x \lt \pi \) :

\( \begin{equation} 0\lt P_n(x) \sin x \lt \frac{\pi^n a^n}{n!}\end{equation} \)

donc l'intégrale dans (1) est positive mais arbitrairement petite pour n assez grand. Conséquemment l'équation (1) est fausse, de même dès lors que l'hypothèse de départ de la rationnalité de \(\pi\). QED.

En conclusion, la torah a été sage de ne pas chercher trop loin un quotient de deux entiers pour indiquer le rapport exact entre la circonférence du bassin et son diamètre !

vendredi 3 octobre 2014

The Yom Kippur Drunk

(as told by Yanki Tauber)

Those who arrived early at the village synagogue on Yom Kippur eve could not but notice the man sleeping in a corner. His soiled clothes, and the strong scent of alcohol that hovered about him, attested to the cause of his slumber at this early hour. A Jew drunk on the eve of the Holy Day? Several of the congregants even suggested that the man be expelled from the synagogue.

Soon the room filled to overflowing, mercifully concealing the sleeping drunk from all but those who stood in his immediate vicinity. As the sun made to dip below the horizon, a hush descended upon the crowd. The Rebbe entered the room and made his way to his place at the eastern wall. At a signal from the Rebbe, the ark was opened, and the gabbai began taking out the Torah scrolls in preparation for the Kol Nidrei service.

This was the moment that the drunk chose to rise from his slumber, climb the steps to the raised reading platform in the center of the room, pound on the reading table, and announce: "Ne'um attah horeita!" Apparently, the crowded room, Torah scrolls being carried out of the open ark, seen through a drunken haze, appeared to the man as the beginning of hakafot on Simchat Torah! The drunk was confusing the most solemn moment of the year with its most joyous and high-spirited occasion.

The scandalized crowd was about to eject the man from the room when the Rebbe turned from the wall and said: "Let him be. For him, it's already time for hakafot. He's there already."

On the following evening, as the Rebbe sat with his chassidim at the festive meal that follows the fast, he related to them the story of Reb Shmuel, the Kol Nidrei drunk.

On the morning of the eve of the Holy Day, Reb Shmuel had heard of a Jew who, together with his wife and six small children, had been imprisoned for failing to pay the rent on the establishment he held on lease from the local nobleman. Reb Shmuel went to the nobleman to plead for their release, but the nobleman was adamant in his refusal. "Until I see every penny that is owed to me," he swore, "the Jew and his family stay where they are. Now get out of here before I unleash my dogs on you."

"I cannot allow a Jewish family to languish in a dungeon on Yom Kippur," resolved Reb Shmuel and set out to raise the required sum, determined to achieve their release before sunset.

All day, he went from door to door. People gave generously to a fellow Jew in need, but by late afternoon Reb Shmuel was still 300 rubles short of the required sum. Where would he find such a large sum of money at this late hour? Then he passed a tavern and saw a group of well-dressed young men sitting and drinking. A card-game was underway, and a sizable pile of banknotes and gold and silver coins had already accumulated on the table.

At first he hesitated to approach them at all: what could one expect from Jews who spend the eve of the Holy Day drinking and gambling in a tavern? But realizing that they were his only hope, he approached their table and told them of the plight of the imprisoned family.

They were about to send him off empty-handed, when one of them had a jolly idea: wouldn't it be great fun to get a pious Jew drunk on Yom Kippur? Signaling to a waiter, the man ordered a large glass of vodka. "Drink this down in one gulp," he said to the Reb Shmuel, "and I'll give you 100 rubles."

Reb Shmuel looked from the glass that had been set before him to the sheaf of banknotes that the man held under his nose. Other than a sip of l'chayim on Shabbat and at weddings, Reb Shmuel drank only twice a year - on Purim and Simchat Torah, when every chassid fuels the holy joy of these days with generous helpings of inebriating drink so that the body should rejoice along with the soul. And the amount of vodka in this glass - actually, it more resembled a pitcher than a glass - was more than he would consume on both those occasions combined. Reb Shmuel lifted the glass and drank down its contents.

"Bravo!" cried the man, and handed him the 100 rubles. "But this is not enough," said Reb Shmuel, his head already reeling from the strong drink. "I need another 200 rubles to get the poor family out of prison!"

"A deal's a deal!" cried the merrymakers. "One hundred rubles per glass! Waiter! Please refill this glass for our drinking buddy!"

Two liters and two hundred rubles later, Reb Shmuel staggered out of the tavern. His alcohol-fogged mind was oblivious to all - the stares of his fellow villagers rushing about in their final preparations for the Holy Day, the ferocious barking of the nobleman's dogs, the joyous tears and profusions of gratitude of the ransomed family - except to the task of handing over the money to the nobleman and finding his way to the synagogue. For he knew that if he first went home for something to eat before the fast, he would never make it to shul for Kol Nidrei.

"On Rosh HaShanah," the Rebbe concluded his story, "we submitted to the sovereignty of Heaven and proclaimed G-d king of the universe. Today, we fasted, prayed and repented, laboring to translate our commitment to G-d into a refined past and an improved future. Now we are heading towards Sukkot, in which we actualize and rejoice over the attainments of the 'Days of Awe' through the special mitzvot of the festival -- a joy that reaches its climax in the hakafot of Simchat Torah. But Reb Shmuel is already there. When he announced the beginning of hakafot at Kol Nidrei last night, this was no 'mistake.' For us, Yom Kippur was just beginning; for him, it was already Simchat Torah...."

(source: chabad.org)

vendredi 31 janvier 2014

L'âge du monde, le retour

Après Ron Chaya, Gary Cohen, un rabbin et chercheur en mathématiques appliquées à l'Inria, s'intéresse aussi au thème de l'âge du monde et des contradictions entre ce que suppose la science (l'univers est âgé de 13,8 milliards d'années) et ce que permet de déduire la torah (l'univers a moins de 6000 ans). Contrairement à Ron Chaya, M. Cohen est un scientifique.

Lien vers la conférence

Lire la suite...

lundi 16 décembre 2013

L'ado suicidaire

Un rabbin a un jour été appelé à l’hôpital pour voir un adolescent juif suicidaire. Ressentant qu’il n’était qu’un bon à rien incapable de réussir quoi que ce soit, ce garçon avait essayé d’attenter à ses jours. Mais même sa tentative de suicide avait échoué. Voyant qu’il était juif, le personnel de l’hôpital a demandé au rabbin de venir et de tenter de lui remonter le moral.

Le rabbin est arrivé à l’hôpital ne sachant pas à quoi s’attendre. Il trouva le garçon allongé dans son lit à regarder la télévision, projetant une image de misère absolue, de noirs nuages de désespoir suspendus au-dessus de sa tête. Le garçon lui jeta à peine un coup d’œil et, avant que le rabbin ait eu le temps de dire bonjour, il lui dit : « Si vous êtes venu me dire ce que le curé vient de me dire, vous pouvez repartir. »

Un peu surpris, le rabbin demanda : « Qu’est-ce que le curé a dit ? »

« Il m’a dit que D.ieu m’aime. C’est complètement débile. Pourquoi D.ieu m’aimerait-Il ? »

C’était un bon argument. Ce gamin ne pouvait rien voir en lui-même qui soit digne d’être aimé. Il n’avait rien accompli dans sa vie. Il n’avait aucune qualité particulière, rien qui soit beau ou respectable ou aimable. Pourquoi D.ieu l’aimerait-Il ?

Le rabbin devait toucher ce garçon sans lui paraître condescendant. Il devait dire quelque chose de réel. Mais que peut-on dire à quelqu’un qui se considère sans valeur ?

« Tu as peut-être raison, dit le rabbin. Peut-être que D.ieu ne t’aime pas. »

Ceci éveilla l’attention du garçon. Il ne s’attendait pas à cela de la part d’un rabbin.

« Peut-être que D.ieu ne t’aime pas. Mais une chose est sûre : Il a besoin de toi. »

Là, le garçon était surpris. Il n’avait pas entendu cela auparavant.

Le fait même que tu sois né signifie que D.ieu a besoin de toi. Il avait déjà beaucoup de gens avant toi, mais Il t’a ajouté à la population du monde, car il y a quelque chose que tu peux faire que personne d’autre ne peut faire. Et si tu ne l’as pas encore fait, c’est d’autant plus important que tu continues à vivre afin que tu puisses accomplir ta mission et apporter au monde cette contribution unique.

Si je peux regarder toutes mes réalisations en face et en être fier, alors je peux croire que D.ieu m’aime. Mais si je n’ai rien réalisé ? Si je n’ai aucun accomplissement à mon actif dont je puisse être fier ?

Eh bien, arrête de te regarder toi-même et regarde autour de toi. Cesse de penser à toi-même, et commence à penser aux autres. Tu es ici parce que D.ieu a besoin de toi. Il a besoin que tu fasses quelque chose.

Mon ami, vous et moi savons que le bonheur ne vient pas en gagnant un gros salaire. Le bonheur vient en servant les autres, en vivant une vie qui a un sens. Je suis convaincu que tout ce que vous devez faire est de projeter votre regard vers l’extérieur, pas vers l’intérieur. Ne pensez pas à ce dont vous avez besoin, mais à ce pour quoi on a besoin de vous. Et en trouvant ce que vous pouvez faire pour les autres, vous vous trouverez vous-même.

(source : Aron Moss, Chabad.org)

lundi 10 juin 2013

À quoi sert l'humour ?

Question difficile s'il en est.

Évidemment la première réponse qui vient à l'esprit est : l'humour sert à passer le test de Turing.

Mais le judaïsme s'intéresse aussi à l'humour.

La preuve, l'année dernière Marc-Alain Ouaknin, co-auteur du petit livre "La bible de l'humour juif" était invité à donner une conférence ambitieuse : Le Rire dans la Tora.

Ambitieuse, car le nouveau testament ce n'est pas très drôle, comme le remarque d'ailleurs la Super Theory Of Super Everything de Gogol Bordello :

First time I had read the Bible,
it had stroke me as unwitty
I think it may started rumor
that the Lord ain't got no humor

Le danger d'analyser l'humour, c'est que c'est comme disséquer une grenouille : ça n'intéresse pas grand monde, et à la fin la grenouille meurt.

Tout est ici question de sens. Selon Boris Cyrulnik : en se rendant à Chartres, Péguy voit sur le bord de la route un homme qui casse des cailloux à grands coups de maillets. Son visage exprime le malheur et ses gestes la rage. Peguy s’arrête demande : « Monsieur, que faites-vous ? » « Vous voyez bien, lui répond l’homme, je n’ai trouvé que ce métier stupide et douloureux. » Un peu plus loin, Péguy aperçoit un autre homme qui, lui aussi, casse des cailloux, mais son visage est calme et ses gestes harmonieux. « Que faites-vous, monsieur ? », lui demande Péguy. « Eh bien, je gagne ma vie grâce à ce métier fatigant, mais qui a l’avantage d’être en plein air », lui répond-il. Plus loin, un troisième casseur de cailloux irradie de bonheur. Il sourit en abattant la masse et regarde avec plaisir les éclats de pierre. « Que faites-vous ? », lui demande Péguy. « Moi, répond cet homme, je bâtis une cathédrale ! »

En tout état de cause (et en simplifiant un peu), à partir de la bible M. Ouaknin (Nous n'avons qu'un Dieu et nous n'y croyons pas) s'interroge sur le rôle de l'humour dans la vie et en trouve environ trois :

  1. L'humour permet de contourner la censure (politique, sociale, théologique) : en considérant l'histoire d'Abram et Saraï (et une question de jouissance féminine (Eden)[1] qui serait traduite par « règles »[2] pour occulter la féminité de Saraï), la conclusion est que l'humour n'est qu'un prétexte pour parler de ce qui est tabou, de ce qui doit être tû. Sous couvert d'humour, en disant quelque chose on en affirme une autre. Et dans cet ordre d'idée la célèbre mère juive et ses traits typiques ne serait qu'une idée pour occulter l'orgasme féminin[3]. Bon.
  2. Les considérations freudiennes (L'inconscient et ses rapports avec le mot d'esprit) mettent en avant un mécanisme central de l'humour, l'amphibologie. Le fait qu'un mot ait plusieurs sens s'exploite selon deux processus inverses : la réduction polysémique (la signification d'un mot est déduite de son contexte, qui réduit les sens à l'un des sens) et l'amphibologie (le mot est par la suite utilisé dans l'un de ses sens orthogonaux)[4], ce qu'on peut illustrer avec une histoire quasi-rapportée par Rachi, le maître de Troie. Voilà pour l'essence de l'indécence. En octroyant une multiplicité sémantique, à un unique texte ou à une unique expression, l'humour a un rôle dégénérateur.
  3. Enfin, l'humour permet de se sortir de situations tragiques en refusant la fatalité et l'oppression. C'est donc une forme d'expression du libre-arbitre face au déterminisme de ce qui est écrit (par opposition à la pensée grecque et au destin inéluctable d'Oedipe annoncé par l'oracle, ou au fatalisme musulman du voyage à Samarkand[5]). Au-delà de ce que les textes disent, ils peuvent être transcendés par ce qu'ils peuvent vouloir dire, et c'est la diversité de ses interprétations qui constitue sa richesse - de même dans la vie refuser la voie ou le destin nous réduit pour bifurquer dans l'arborescence des sentiers alternatifs constitue une sorte d'amphibologie situationnelle, la base de la liberté[6].

Notes

[1] Cf aussi Elisabeth Lloyd, Stephen Jay Gould, et Shere Hite.

[2] Dans ce cas évidemment Dieu aurait pu écrire directement "règles" dans la Bible ç'aurait été plus simple que de passer par une censure au stade de la traduction.

[3] Comment savoir qu'une femme a eu un orgasme ?

Réponse : Réponse :

Quelle importance ?

[4] Roland Barthes : Il faut garder au mot ses deux sens comme si l'un d'eux clignait de l'oeil à l'autre, et que le sens du mot fût dans ce clin d'oeil, qui fait qu'un même mot, dans une même phrase, veut dire en même temps deux choses différentes.

[5] Un jour, au marché de Boukhara, le ministre du vizir aperçoit la Mort et la voit faire un geste en sa direction. Terrifié à l'idée d'être emmené par elle, il quitte précipitamment la ville et chevauche toute la nuit jusqu'à Samarkand pour mettre entre lui et la mort une distance infranchissable. Entre-temps, le vizir apprend le départ de son ministre. Après enquête, il fait venir la Mort en son palais : «On m'a dit que mon ministre est parti après t'avoir aperçue au marché. Pourquoi lui as-tu ainsi fait peur ? Tu voulais l'emmener avec toi ?» «Non pas, répond la Mort. J'ai seulement été surprise de le voir tantôt au marché de Boukhara alors que nous avons rendez-vous demain à Samarkand.»

[6] Tout cela ne répond cependant pas à la vraie question : qui invente les blagues ?

lundi 25 mars 2013

When do we eat?

A strange Passover seder starring the Stuckman family: When do we eat? (2005). More entertaining than obscure considerations on first-borns. Happy Passover!

mardi 5 février 2013

Dieu placebo

Le pouvoir de l'imagination

Souvenons-nous de ce récit extrait de l'Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu de la trilogie des fourmis de Bernard Werber :

Dans les années 50, un bateau container anglais transportant des bouteilles de Madère en provenance du Portugal débarque en Ecosse pour livrer sa marchandise. Un marin s'introduit dans le container de réfrigération pour vérifier s'il ne reste plus rien à livrer. Nul ne sait qu'il est entré et on referme la porte du container alors que l'homme est encore à l'intérieur. Il tambourine sur les cloisons, mais personne ne l'entend et le bateau repart pour le Portugal.

Le marin trouve de la nourriture dans ce lieu mais il sait qu'il ne pourra pas survivre très longtemps dans cette chambre froide. Il a pourtant la force de saisir un morceau de métal et il grave heure après heure jour après jour, le récit de son terrible martyre. Il énonce avec une précision scientifique son agonie. Comment le froid l'engourdit, comment ses doigts et ses orteils gélent. Comment son nez se transforme en pierre insensible. La morsure de l'air réfrigéré devient une véritable brûlure, son corps qui peu à peu devient un gros glaçon.

Lorsque le bateau jette l'encre à Lisbonne, on ouvre le container et on découvre l'homme mort de froid. On lit son histoire gravée sur les murs. Toutes les étapes de son calvaire y sont décrites avec force détails. Mais le plus extraordinaire n'est pas là. Le capitaine examine le thermomètre du container frigorifique. Il indique 20°C. En fait, le système de réfrigération n'avait pas été activé pendant tout le trajet du retour.

L'homme est mort de froid parce qu'il croyait que le système de réfrigération fonctionnait et qu'il s'imaginait avoir froid. Ce n'était que son imagination qui l'avait tué.

Récit fictif, néanmoins vraisemblable. La puissance de la suggestion et en particulier de l'auto-suggestion est à tel point reconnu par la science de nos jours[1] que les essais cliniques des médicaments se déroulent en aveugle[2] (la moitié de l'échantillon-test, le groupe expérimental, reçoit le médicament et l'autre moitié, le groupe contrôle un traitement ineffectif, et les participants ne savent pas ce qu'ils reçoivent) afin de filtrer l'effet placebo.

Qu'est-ce que l'effet placebo ?

Historiquement, l'effet placebo est le nom du mécanisme à l'origine de l'efficacité clinique d'une substance inerte chez un malade qui croit prendre un médicament pour sa guérison. Une situation de ce genre sur une échelle collective est rapportée par Patrick Lemoine dans son livre Le mystère du placebo :

Il est d’autres situations de recherche où le placebo a été utilisé à l’insu de presque tout le monde, à l’exception d’un ou deux protagonistes. C’est ainsi que Serge Follin, psychiatre français, a pu mettre en place un essai historique sur le Largactil, difficile à concevoir à l’heure actuelle sous le sourcilleux regard des comités d’éthique. La chlorpromazine (Largactil) a obtenu son autorisation de mise sur le marché en 1952 et a rapidement transformé la vie des institutions psychiatriques, permettant la sortie de plusieurs milliers d’aliénés jusque-là réputés incurables.

Cependant, le progrès qu’il représenta eut aussi un effet pervers. Se reposant uniquement sur leurs lauriers pharmacologiques, certains services abandonnèrent toute réflexion institutionnelle et toute tentative psycho-sociologique de désaliénation, paraphrasant le terrible jugement de Tite-Live sur la pax romaina : Ubi solitudinem, pacem appellant[3]. Finies les activités collectives, sorties, fêtes, bals, veillées, et tout ce qui transformait les services ouverts en communautés parfois assez chaleureuses. Une chape morne semblait s’être abattue sur l’asile. Et l’on vit se pérenniser sur les cahiers de pharmacie des prescriptions interminables que les patients un peu trop bien calmés avalaient immuablement, années après années.

Partant de ce constat, Follin tenta une expérience audacieuse. Il jeta son dévolu sur un pavillon ouvert, peuplé de malades chroniques. À l’insu de tout le personnel et, bien entendu des aliénés eux-mêmes, il remplaça subrepticement les gouttes de Largactil par un placebo identique dans sa présentation. Seuls trois médecins et un interne avaient été mis au courant. Ce service vétuste n’accueillait pas de nouveaux malades et formait une communauté chronique et stable de malades réputés difficiles mais généralement calmes. Les doses quotidiennes de Largactil allaient de 150 à 700 mg, la durée de traitement s’échelonnant entre 200 et 900 jours.

L’expérience a duré en tout neuf mois, du premier mai 1959 au premier février 1960. Sur les soixante-huit malades qui ont participé à l’étude, trente-neuf seulement ont été retenus pouir l’analyse ; vingt-neuf en ont été exclus : soit ils ont changé de pavillon, soit ils ont reçu des traitements associés. Il est évident qu’une des grandes faiblesses de cette publication réside dans l’absence de tout renseignement sur ces vingt-neuf exclus. Les résultats de cet essai n’en demeurent pas moins étonnants. La vie pavillonnaire resta inchangée et personne ne se douta une seconde de la « supercherie ». Les incidents ne furent ni plus ni moins nombreux qu’auparavant. De nombreuses modifications de traitements, avec augmentation ou réduction des dosages de placebo, furent effectuées par les internes du service ou de garde, tout ceci à la satisfaction générale. L’été venu, une délégation de malades demanda à retarder l’heure de la distribution du Largactil pour pouvoir profiter plus longuement des soirées ! Leur demande fut acceptée. Quelques patients insomniaques retrouvèrent le sommeil lorsque la dose fut augmentée ; d’autres qui somnolaient s’animèrent lorsque la posologie fut réduite. L’auteur put vérifier que l’élimination du « Largactil vrai » était lente puisque des érythèmes solaires se produisirent comme tous les ans, en début d’été, deux mois après mise sous placebo.

Au bout de neuf mois, on fit les comptes. Pas de changement clinique chez quinze patients dont neuf schizophrènes, deux « déséquilibrés thymiques », un éthylique, deux déments et un patient souffrant d’un syndrome atypique. Des aggravations furent notées chez un schizophrène et un dément chez qui la réapparition de l’agitation ne put être calmée que par des injections de Largactil « vrai ». Certaines améliorations furent telles qu'elles permirent la sortie de onze malades dont quatre schizophrènes, six « déséquilibrés thymiques » et un épileptique. Dans onze autres cas, les progrès furent nets mais insuffisants pour l’autoriser : six schizophrènes, un « déséquilibré thymique », un confus, un arriéré, deux patients jugés « atypiques » étaient concernés. Le total de l’expérience montrait donc vingt-deux améliorations, dix-sept « échecs » dont deux aggravations. Sur vingt schizophrènes, on comptabilisa dix améliorations dont quatre sorties et dix échecs dont une aggravation. Chez les « déséquilibrés thymiques », le succès fut global et manifeste : on y comptait sept améliorations dont six sorties et seulement une aggravation.

La neuroscience cherche à mieux comprendre l'effet placebo à l'aide de l'imagerie cérébrale ; ainsi la tomographie par émission de positrons (PET) a pu montrer que des patients atteints de la maladie de Parkinson augmentaient leur production de dopamine après la prise d'un placebo, soit le même mécanisme biochimique que celui déclenché par le traitement usuel (source).

L'importance conceptuelle et les implications de l'effet placebo sont probablement sous-estimées par la médecine et par la science en général. Les processus de guérison basés sur l'autosuggestion, comme l'autohypnose ou la méthode Coué (qui, d'un point de vue New-Age, suggèrent une domination de l'esprit sur la matière) sont bien connus mais scientifiquement peu documentés.

Une variante chère aux entraîneurs sportifs et coaches personnels est la pensée positive : se concentrer sur son but, le visualiser, l'imaginer accompli, aide à l'atteindre (cela entre plus ou moins consciemment en jeu lors de la mise en place d'objectifs). Évidemment, ce n'est pas la panacée ; si un coach demande à chacun des coureurs du marathon de Paris de remporter la victoire grâce à la pensée positive, alors il est certain que la méthode échouera dans 100% des cas[4], ce qui n'est pas très spectaculaire en termes d'efficacité.

Dieu comme placebo

Sur le plan matériel l'effet placebo est mesurable grâce aux indicateurs de santé que fournissent les analyses médicales. Mais si le monde matériel n'est qu'un reflet d'un monde spirituel plus abstrait, où les états sont moins facilement mesurables, tout porte à croire qu'il y a un analogue spirituel à l'effet placebo dont le mécanisme est basé sur la croyance : la religion.

Les systèmes de croyances sont en effet tellement puissants que la religion peut apporter des bénéfices réels pour la condition physique et la santé mentale (Johns Hopkins Medical Newsletter, Nov 1998). De nombreuses études soulignent en effet que les croyants vivent plus longtemps et en meilleure santé que les sceptiques, même en tenant compte du fait qu'ils ont la plupart du temps une vie plus sobre du fait de leur foi. D'un point de vue évolutionnaire, la bonne tenue des croyants malgré l'évolution de la science provient peut-être de leurs capacité à tisser de puissantes structures sociales et communautaires à travers les rites, cérémonies, fêtes, et traditions[5], qui créent et maintiennent de profonds liens de solidarité (source).

Où est le mal ?

Alors, si l'effet placebo des religions est réel et rend plus heureux, il paraît inutile et vain de s'attaquer à des croyances inoffensives autour de l'âge du monde, de la préscience colorimétrique de la bible, ou du pouvoir des pierres précieuses. Car enfin, où est le mal à nier la réalité des faits et à construire un système de croyances basé sur l'imaginaire collectif ?

Je préfère l'illusion au désespoir.[6]

Nelson Muntz

Mais bien sûr ce n'est pas si simple, car au-delà du fanatisme et des guerres de religions, les croyances religieuses peuvent causer du tort à des innocents, comme le note le site What's the harm[7] en recensant de nombreux cas de fondamentalistes qui pensent guérir leur enfant par le pouvoir de la prière au lieu de l'emmener chez un médecin, entraînant parfois sa mort. Il y a donc un équilibre à trouver entre assistance à personne en danger et respect des libertés individuelles[8].

Quant au judaïsme, qui n'aime pas trop la magie, il refuse d'utiliser la torah pour la guérison et demande de vivre dans une ville qui où se trouve au moins un médecin (source). Le judaïsme récuse la foi-placebo, intéressée, au profit d'une foi et surtout d'actes authentiques[9].

Ressources (en anglais) :

Notes

[1] Toutefois certaines études dans un contexte purement scientifique viennent contrebalancer ce point, sans pour autant remettre en cause l'existence de l'effet placebo dans le contexte médical (Hróbjartsson & Gøtzsche, Is the Placebo Powerless? An Analysis of Clinical Trials Comparing Placebo with No Treatment, 2001), cf aussi Skepdic.

[2] Afin de limiter l'influence de l'expérimentateur ou du comité de supervision, la démarche scientifique a également défini des protocoles en double aveugle et même en triple aveugle.

[3] « Là où ils font la solitude, ils l'appellent paix. »

[4] Disclaimer : chiffre arrondi au centième de point près.

[5] D'ailleurs, on peut penser que plus les rites communs sont absurdes, plus les liens sont renforcés grâce à l'unicité de l'expérience. C'est pour cela que lors des séminaires de teambuilding d'entreprises, les participants ne sont pas incités à aller au cinéma tous ensemble mais plutôt à marcher sur des braises ou à danser la macarena.

[6] VO : Some of us prefer illusion to despair.

[7] Le site parle également des conséquences de la négation de l'autisme et des scams 419. Dans le même style, l'homéopathie peut être dangereuse quand elle incite les malades à ne pas prendre de médicaments qui marchent, sans parler de ses coûts pour la Sécurité Sociale qui suscitent des interrogations à l'Académie Nationale de Médecine.

[8] Un peu comme en droit international l'équilibre entre devoir d'ingérence et respect de la souveraineté nationale est souvent délicat.

[9] Extrait : La sagesse juive authentique affirme qu'être en bonne santé est à la fois la condition et la conséquence d'une bonne vie, mais ce ne doit pas pour autant en être l'objectif. La religion juive authentique nous dit : Oui, prolonge ta vie, mais pour quoi faire ? Oui, deviens plus mince et plus souple, mais pour quoi faire ? Oui, recherche le plaisir, mais pour quoi faire ? Contempler cette question, « pour quoi faire ? » est le commencement de la sagesse spirituelle.

vendredi 2 novembre 2012

KabbalaToons

KabbalaToons is a chabad series featuring Rabbi Infinity, whose motto is simply Give me one minute I'll give you cosmic conscienceness.

Here is a list of some episodes, each of them being about two-minute long:

Tip: there is a written commentary below each video. Starred episodes are specially appreciated by the Radjaïdjah Blog.

lundi 24 septembre 2012

L'âge du monde : science vs torah

Dans une série de quatre présentations, intitulée « L'âge du monde », le Rav Ron Chaya s'attèle à une tâche à la fois délicate et ambitieuse : comment concilier l'âge du monde estimé par la science (14 milliards d'années) avec celui indiqué par la torah (6000 ans) ? Cela semble a priori tout à fait contradictoire, mais un adage ne dit-il pas qu'« un peu de science éloigne de Dieu, beaucoup de science y ramène » ?

Lire la suite...

vendredi 14 septembre 2012

5 histoires juives

Pour fêter la fin de l'année, voilà 5 histoires juives (source).

Benjamin

C'est le petit Benjamin qui joue avec sa maman au bord de la Mer Morte. Voilà que le vent se lève brusquement et déchaîne l'eau. Une puissante vague arrive et emporte le petit Benjamin. Sa mère, éplorée, se met à faire des prières :
- Seigneur, Seigneur ! Ce n'est pas juste, tu dois me le rendre.
Et Dieu (qui aime aussi avoir un peu la paix de temps en temps), au bout de trois jours de prières sans arrêt se décide à faire quelque chose. Alors une deuxième vague, tout aussi grande que la première, rapporte le petit Benjamin sur la plage. Sa mère est évidemment très contente et se met à remercier Dieu :
- Ah, merci, merci Seigneur de m'avoir ramené Benjamin. Mais dis-moi : il me semble qu'il avait une casquette ?

Dans ce cas

David Goldblum discute avec son fils :
- Mon fils, je veux que tu épouses une fille que j'ai choisie pour toi !
- Comment ?! Mais enfin, je veux pouvoir choisir ma femme moi-même !!!
Le père dit alors :
- Mais cette fille est la fille de Bill Gates.
Le fils : "Ahhh, dans ce cas..."
Le lendemain, le père va voir Bill Gates :
- Bonjour, j'ai un mari pour votre fille.
- Comment ?! Mais enfin, ma fille est trop jeune pour se marier !!!
L'homme d'affaires répond alors :
- Mais ce jeune homme est vice-président de la Banque Mondiale...
Bill Gates: "Ahhh, dans ce cas..."
Le surlendemain, le père va voir le président de la Banque Mondiale.
- Bonjour, j'ai quelqu'un à vous recommander comme vice-président de la banque.
- Comment ?! Mais enfin, j'ai déjà plus de vice-présidents qu'il ne m'en faut !!!
Le père : "Mais ce jeune homme est le gendre de Bill Gates."
Le président : "Ahhh, dans ce cas...."

9 mois

Un étudiant du Talmud est ébahi de voir sa femme accoucher trois mois après leur mariage. Il s'adresse à son rabbin :
- Rebbe, rebbe ! Il est arrivé une chose extraordinaire. Ma femme a accouché après seulement 3 mois de mariage. Comment est-ce possible ? Tout le monde sait qu'il faut 9 mois pour faire un bébé...
Le rabbin interrompt sa lecture :
- Mon fils, je vois que tu n'as pas la moindre idée de ce genre de choses. Pourtant le calcul est simple. Tu vis avec ta femme depuis 3 mois ?
- Oui.
- Elle a vécu 3 mois avec toi ?
- Oui.
- Vous avez vécu ensemble 3 mois ?
- Oui.
- Quel est le total de 3 plus 3 plus 3 ?
- 9 mois, rebbe.
- Alors pourquoi viens-tu m'ennuyer avec tes questions stupides ?

Le veau

Dieu parle à Moïse sur le mont Sinaï...
Dieu:
- Et souviens-toi Moïse, en ce qui concerne les lois kasher, ne cuisine jamais un veau dans le lait de sa mère. C'est cruel.
Moïse :
- Ohhhhhh ! Alors on ne doit jamais manger de lait et de viande en même temps ?
Dieu :
- Non, ce que je veux dire, c'est que tu ne dois jamais cuisiner le veau dans le lait de sa mère.
Moïse :
- Mon Dieu, pardonne mon ignorance mais, ce que tu veux dire, c'est que l'on doit attendre 6 heures après avoir mangé de la viande si l'on veut manger quelque chose fait avec du lait, de telle manière que les deux ne se retrouvent pas dans l'estomac en même temps ?
Dieu :
- Non Moïse, c'est tout simple ce que je veux dire: ne cuisine pas le veau dans le lait de sa mère, et c'est tout !!!
Moïse :
- Oh, Mon Dieu ! Je t'en prie, ne me blâme pas pour ma stupidité ! Mais dis-moi plutôt: Tu veux dire que l'on doit avoir un jeu de couverts pour le lait, et un jeu de couverts pour la viande, et que si un jour on se trompe de couverts, on devra enterrer ces couverts à jamais et ne plus les utiliser ?
Dieu :
- Ahhhh Moïse... Fais comme tu veux.

La race humaine

Une petite fille demande un jour à sa mère: Maman, comment la race humaine est-elle apparue?
La maman répond : Dieu fit Adam et Eve et ils eurent des enfants. C'est ainsi que la race humaine est apparue.
Deux jours plus tard, la petite fille pose à son père la même question.
Le papa répond : ll y a très longtemps existaient les singes. Au fil des années ils se transformèrent pour devenir des hommes. C'est ainsi qu'est apparue la race humaine.
Confuse, la petite fille retourne voir sa mère et lui demande : Maman comment se fait-il que tu m'aies dit que la race humaine a été créée par Dieu et que papa m'affirme qu'elle vient du singe ?
Chérie, répond la maman, c'est que moi je t'ai parlé de l'origine de ma famille et ton père de la sienne !

Bonus

Une petite histoire, le bambou chinois.

mardi 4 septembre 2012

Les problèmes juifs

Alors que le musée d'Israël à Jérusalem présente jusqu'à la fin de l'année une exposition sur le judaïsme haredi, voici cinq petits problèmes mathématiques.

  • 1) Soient un segment du plan et un cercle dont le segment soit un diamètre. Soit un point du plan n'appartenant ni au cercle ni au segment, tracer avec seulement une règle la perpendiculaire au segment passant par le point.
  • 2) Un quadrilatère de l'espace est tangent à une sphère (c'est-à-dire que chacun de ses côtés est tangent à la sphère). Montrer que les points de tangence sont coplanaires.
  • 3) Trouver toutes les fonctions \(F : \mathbb{R} \rightarrow \mathbb{R}\) telles que pour tous \(x_1\) et \(x_2\) : \(F(x_1) - F(x_2) \leq (x_1 - x_2)^2\).
  • 4) Soit un parallélogramme. En utilisant uniquement une règle, diviser l'un des côtés en six segments de même longueur.
  • 5) Un cercle est inscrit dans une face d'un cube de côté \(a\). Un autre cercle est circonscrit à une face adjacente de ce cube. Quelle est la distance minimale entre les points des cercles ?

Ces problèmes ont été spécialement conçus pour avoir une solution simple à comprendre mais (souvent) très difficile à trouver ; ils font partie d'une liste, les problèmes juifs.

Pourquoi ? Dans les années 70-80, lors des examens oraux d'admission au département de mathématiques (Mekh-mat) de l'Université de Moscou (MSU), ils étaient proposés aux candidats juifs et autres indésirables. Comme les problèmes étaient très difficiles, les candidats échouaient la plupart du temps, mais comme les solutions étaient simples à comprendre, l'administration était protégée contre les éventuelles plaintes ou autres recours. En soumettant des problèmes différents aux candidats « acceptables » et aux « inacceptables », l'Université pratiquait subtilement une discrimination basée sur la technique. La liste de ces problèmes juifs a longtemps été tenue secrète, et sa publication présente une valeur tant mathématique qu'historique. Certains d'entre eux sont élégants, d'autres sont fastidieux, et enfin certains sont présentée d'une façon ambiguë, voire incorrecte. Un échantillon a été publié par les chercheurs Tanya Khovanova et Alexey Radul. Le mathématicien Ilan Vardi a également publié une liste similaire et y évoque « peut-être pour la première fois, une utilisation politique des mathématiques ».

lundi 18 juin 2012

Sommes-nous seuls dans l'Univers ?

Anaximandre, Leibnitz... de tous temps s'est posée la question de la pluralité des mondes. Et si des gens un peu New Age comme Shimon Bar-Yohaï parlent de mondes spirituels ayant précédé le monde matériel, ce qui préoccupe les astronomes contemporains est surtout l'existence d'autres formes d'intelligence aujourd'hui.

"Que ce soit clair dès le début, je ne répondrai pas à cette question ce soir". Ainsi commença la conférence de Michel Mayor s'étant tenue le mois dernier, intitulée Sommes-nous seuls dans l'univers ?

Alors que nous vivons au sein de la voie lactée, galaxie spirale de 200 milliards d'étoiles, le télescope Hubble continue de photographier des univers lointains, tels que des nuages moléculaires géants servant de lieux de formation stellaire et planétaire, comme la nébuleuse d'Orion. Ce téléscope cherche encore aujourd'hui des étoiles comparables au soleil (par une méthode dite "du transit").

Ich sage euch: man muss noch Chaos in sich haben, um einen tanzenden Stern gebären zu können. Ich sage euch: ihr habt noch Chaos in euch."

- Friedrich Nietzsche

Pour les astronomes, le soleil est un réacteur nucléaire, et la Terre un beau caillou à peine mouillé. Quant aux humains :

It is worth contemplating that the atoms in our body were not forged in the furnace of the Big Bang, but were created within collapsing stars. The temperatures and pressures within dying stars triggered the nuclear reactions that cooked the simple hydrogen and helium into more complex atoms. In the final explosion, as the nuclear fusion reached its climax, these atoms were thrown across the universe and eventually became the iron in our blood and the calcium in our bones. In other words, we are literally stardust. Or, for the less romantically inclined, we are merely nuclear waste.

- Simon Singh

Avant d'invoquer des déités pour compenser ce que Neil de Grasse Tyson appelle ignorance, les scientifiques continuent à chercher.

lundi 11 juin 2012

Le procès du singe

Juillet 1925. John Scopes est accusé d’avoir enseigné à ses élèves la théorie de l’évolution. La petite ville de Dayton, Tennessee, va vivre l’un des plus célèbres procès de l’histoire américaine : le procès du singe, ou Scopes trial. L'enjeu : l'enseignement de la théorie de l'évolution, du dessein intelligent, et les interférences entre droit et religion sur le terrain de l'éducation.

L'introduction de l'article susmentionné est la suivante :

Replongeons-nous dans le contexte. Nous sommes au beau milieu des twenties : prospérité économique, progrès scientifique et technologique, Betty Boop, nous voilà au coeur des années folles ! Cependant, au delà de l'insouciance, la barbarie de la Première Guerre Mondiale a montré que les progrès scientifiques n'étaient pas uniquement bénéfiques. En outre, on assiste à des phénomènes inquiétants : les jupes des jeunes filles, par exemple, se rapprochent dangereusement du genou !

Pour certains, ces changements sont les preuves d'un profond malaise. La barbarie guerrière et la légèreté des moeurs ont un responsable : Darwin. Quel rapport, me direz-vous, entre Darwin et la guerre ? Plus encore, quel rapport entre Darwin et les jupes ?

Darwin, sans jamais se prononcer sur l'origine première de la vie, a prétendu que les hommes et les singes partageaient un même ancêtre, par un processus lent et graduel. Des questions d'ordre métaphysique se posent alors : quelle différence y a-t-il entre un homme et un singe ? A quelle étape du processus de "descendance avec modification" est apparue l'âme humaine ? Finalement, l'homme ne serait-il qu'un animal, une bête répondant à ses instincts primaires ?

La Bible, elle, propose une toute autre vision. Elle prétend que l'homme a été créé par Dieu. L'homme est donc un être unique, moralement supérieur aux animaux, et investi d'un devoir divin. Selon les fondamentalistes protestants, ces deux visions sont incompatibles. Il serait même urgent de se regrouper autour des valeurs fondamentales de la tradition chrétienne. Dans cette optique, Darwin et sa théorie sont, finalement, les ennemis de la moralité.

L'article poursuit plus loin :

La société américaine est donc tiraillée entre l'appel du progrès et le retour aux sources. L'État du Tennessee prend parti en 1925 avec le "Butler Act", loi qui interdit d'enseigner "une théorie qui nie la Création divine de l'homme telle qu'elle est enseignée dans la Bible et qui prétend que l'homme descend d'un ordre inférieur d'animaux".

L'ACLU (American Civil Liberties Union) réagit immédiatement. Inquiétée par l'obscurantisme et l'intolérance d'une telle législation, elle met en place un stratagème pour casser cette loi. Aux États-Unis, si un citoyen se fait arrêter pour avoir violé une loi, il peut demander à ce qu'un magistrat examine si celle-ci est constitutionnelle ou non. Au terme d'un processus juridique, la loi peut aboutir jusqu'à la Cour Suprême, qui peut alors la casser.

C'est sur cette procédure que compte s'appuyer l'ACLU, mais pour cela il lui faut un enseignant qui accepte de violer la loi. Et quoi de plus simple, pour recruter, que de passer par les petites annonces ?

Un homme d'affaire de Dayton tombe justement sur l’annonce de l’ACLU. Intéressé, il se dit qu'un procès serait un bon coup de pub pour sa ville d'adoption — sans parler des retombées économiques ! Il s'arrange donc, avec d’autres notables locaux, pour convaincre le nouveau professeur de sciences naturelles, John Thomas Scopes.

Une fois le marché conclu, l’homme d’affaire alerte les autorités, faussement scandalisé : un professeur enseignerait à ses élèves que l’homme descend du singe !

S'en suivit un procès qui fut à la fois ennuyeux et spectaculaire (un peu comme le fut le match Anand vs Gelfand). On considère généralement que Clarence Darrow, avocat de Scopes, a gagné le procès, grâce notamment à son somptueux interrogatoire de son adversaire, mais un détail technique l’empêchera finalement d’aller jusqu’à la Cour Suprême. Le Butler Act restera en vigueur jusqu’en 1967...

À noter que Clarence Darrow se rendit également célèbre par son rôle dans l'affaire Leopold & Loeb : il sauva deux personnes de la peine de mort pour kidnapping et meurtre d'un enfant, en argumentant que parfois l'influence de l'environnement au détriment du libre-arbitre était telle qu'elle rendait ses victimes pénalement irresponsables.

jeudi 2 février 2012

Bo

Résumé des épisodes précédents : alors que les Hébreux sont prisonniers des Égyptiens, Moïse demande à Pharaon de laisser partir son peuple, mais celui-ci refuse. Alors l'Éternel (Dieu) abat sur l'Égypte dix plaies, sous la forme de calamités plus ou moins surnaturelles. Dans Bo, on assiste aux trois dernières plaies : les sauterelles, les ténèbres, et la mort des premiers-nés égyptiens. Pharaon se résout alors à accepter que les Hébreux quittent l'Égypte, ce qu'ils ne manquent pas de faire.

Une question naturellement soulevée par cette histoire est : pourquoi Dieu a-t-il tué les premiers-nés égyptiens ? Certes, ce n'est pas la première fois que Dieu tue des êtres humains. Déjà avec Son Déluge, Dieu avait éradiqué toute la population à l'exception de Noé et sa famille[1], mais bon, c'est un peu normal, les gens à l'époque étaient iniques. Et puis, il y a eu la destruction de Sodome et Gomorrhe, mais là aussi, même sans avoir vu le film de Pasolini, il est notoire que leurs habitants menaient des vies de débauche, ce qui est Mal. Mais là, les premiers-nés égyptiens, cela inclut des enfants et des bébés, qui ne sont en rien responsables de ce qui arrive aux Hébreux. Comment justifier la mort de ces innocents ?

La réponse la plus immédiate à cette interrogation est que tout ce que fait Dieu est bien, même si on ne comprend pas, et il n'y a rien à justifier. C'est l'explication dite «les voies du Seigneur sont impénétrables». Cela dit, on peut voir les choses autrement, et dès lors, distinguer au moins trois raisons possibles à cet acte.

Il est facile de considérer que seul Pharaon est responsable de la situation des Hébreux, et que le peuple égyptien n'y est pour rien. Mais c'est bien la population tout entière[2] qui tenait les Hébreux en esclavage et leur imposait de lourdes tâches (Ex 1:13). Chaque famille égyptienne, chaque individu y prenait part. La soumission à l'autorité ne peut servir d'argument pour justifier ces comportements, qui seront d'ailleurs souvent reproduits au cours de la seconde guerre mondiale.

La complicité active du peuple égyptien était la clef de voûte de l'esclavage des Hébreux. La mort des premiers-nés, représentants des foyers égyptiens, vient ainsi mettre en exergue la responsabilité individuelle de chacun.

Une deuxième explication peut être distinguée en appliquant ce qu'on appelle la «règle des cinq pourquoi». L'idée est très simple : quand vous faites quelque chose dans la vie, demandez-vous cinq fois de suite «pourquoi», et si à la fin vous n'avez pas une bonne raison alors peut-être vaut-il mieux passer à quelque chose d'autre. Ici, on a la dixième plaie, avec la mort des premiers-nés (Ex 12:29). Pourquoi ? Parce que Pharaon refuse de laisser partir les Hébreux (Ex 11:10). Pourquoi ? Parce Dieu lui-même a endurci le coeur de Pharaon (Ex 11:10). Pourquoi ? Là, il faut remonter un peu plus loin, à ''Exode' ; il apparaît que la mort des premiers-nés égyptiens avait été annoncée bien avant la première plaie (Ex 4:23). Les neuf premières plaies, assorties de l'endurcissement progressif du coeur de Pharaon, constituent autant d'étapes menant à l'ultime châtiment, la mort des premiers-nés, qui avait été en fait planifiée dès le départ. Et pourquoi ? Parce que Dieu considère le peuple hébreu comme son premier-né, et qu'en le vouant à l'esclavage, Pharaon le tue[3] (Ex 4:22-23). Dès lors, c'est oeil pour oeil, dent pour dent : Dieu tuera les premiers-nés égyptiens, qui représentent au même titre le premier-né de Pharaon.

La loi de l'attraction est une croyance selon laquelle l'univers se comporte avec toi comme tu te comportes avec lui. Évidemment très populaire chez les partisans des grandes théories holistes[4], la loi de l'attraction n'est qu'une résurgence d'un principe bien connu de la pensée juive : «mesure pour mesure» («מידה כנגד מידה»), dont la mort des premiers-nés égyptiens peut constituer une illustration.

Enfin, une troisième explication est apportée par Ari Kahn. Elle nécessite une vision plus globale de la situation. En Égypte, la société était basée sur la primogéniture, c'est-à-dire que les premiers-nés héritaient de l'intégralité du patrimoine de leurs parents. La transmission du pouvoir se déroulait selon le même principe : Pharaon était lui-même un premier-né, fils d'un premier-né, etc.[5]. Dès lors, les autres n'avaient rien ; voilà pourquoi il était important que les Égyptiens aient des esclaves, afin de donner aux classes inférieures une caste à dominer. Laisser partir les Hébreux, base de la pyramide du pouvoir, et c'était toute la société qui s'effondrait.

Dans le judaïsme, la naissance ne détermine pas la position. Il y a une notion de droit d'aînesse, mais comme l'illustrent les aventures d'Ésaü et Jacob, les actes de Jacob et sa dévotion envers Dieu l'ont mené à être reconnu comme le véritable aîné. En fait, tout le livre de la Genèse peut être vu comme un réquisitoire contre un éventuel statut privilégié des premiers-nés. Comme le remarque le Midrash Rabba, ni Abraham, ni Isaac, ni Jacob n'étaient des premiers-nés ; ce sont ses actions, et non son statut, qui font un homme.

La dixième plaie était donc une attaque foudroyante contre toute la structure hiérarchique de la civilisation égyptienne, fondée sur le privilège de la naissance. Cette opération à la fois massive et chirurgicale ne pouvait donc qu'aboutir à la délivrance des Hébreux.

En résumé, les trois explications éventuelles avancées sont : la complicité active du peuple, l'application du principe de mesure pour mesure, et l'attaque idéologique contre le privilège de la naissance.

La sortie d'Égypte est commémorée chaque année à l'occasion de la fête de Pâques. C'est bien sûr une immense joie. Mais personne ne se réjouit des souffrances et de la mort des Égyptiens. En effet, à l'une des quatre coupes de vin, symbole de joie, qui sont traditionnellement bues lors de la cérémonie du séder, sont retirées dix gouttes représentant les dix plaies. La violence des dix plaies vient en quelque sorte atténuer la joie de la libération. Or pour l'époque messianique à venir, la joie, infinie, ne sera pas diluée. Cela signifie peut-être que le troisième temple ne peut pas être bâti sur la violence, et qu'Israël aura à passer par une période de paix avant la délivrance finale.

Notes

[1] Richard Dawkins parle de Dieu génocidaire dans The God Delusion.

[2] Ceux qui auraient écrit «la population toute entière» sont invités au jeu des 7 erreurs.

[3] Il est facile d'objecter que répondre à la mort spirituelle d'un peuple via l'esclavage par la mort bien matérielle des premiers-nés égyptiens paraît injuste. Mais Pharaon faisait aussi tuer les mâles hébreux à la naissance (Ex 1:8).

[4] Parmi les partisans des grandes théories holistes, on compte bien sûr nos amis New Age adeptes des quatre accords toltèques et de la loi des 10%.

[5] On peut se demander pourquoi Pharaon, lui-même premier-né, n'est pas mort la nuit de la dixième plaie. La question est laissée en exercice.

vendredi 9 décembre 2011

Toute la Bible expliquée en une phrase de la Bible

Exode 30:22-23

וידבר יהוה אל משה לאמר ׃ ואתה קח לך בשׁמים ראש מר דרור חמש מאות וקנמן בשׁם מחציתו חמשים ומאתים וקנה בשׁם חמשים ומאתים ׃

(explication)

- page 1 de 2