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lundi 26 février 2018

Pierre de Ronsard condamné par contumace

Ça y est, l'auteur des Sonnets pour Hélène (1578) a enfin été condamné pour harcèlement suite à son poème "Quand vous serez bien vieille".

#metoo #balancetonporc #carpediem #carpenoctem

Quand vous serez bien vieille (Pierre de Ronsard)


Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant :
Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle.

Lors, vous n’aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de mon nom ne s’aille réveillant,
Bénissant votre nom de louange immortelle.

Je serai sous la terre et fantôme sans os :
Par les ombres myrteux je prendrai mon repos :
Vous serez au foyer une vieille accroupie,

Regrettant mon amour et votre fier dédain.
Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain :
Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie.

Pierre de Ronsard (1578)

mercredi 6 septembre 2017

Le procès des Fleurs du Mal

Le 20 août 1857, moins de deux mois après leur parution, le recueil de poèmes Les Fleurs du Mal est poursuivi pour « offense à la morale religieuse » et « outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs ». Le procureur impérial, Ernest Pinard, obtiendra face à l'avocat de Baudelaire, Gustave Gaspard Chaix d'Est-Ange, la condamnation du poète à respectivement 300 et 100 francs d'amende par la sixième Chambre correctionnelle du Tribunal de la Seine

Suite à la loi du 25 septembre 1946, le procès fut révisé en 1949, et la Chambre criminelle de la Cour de Cassation affirmera : « les poèmes faisant l’objet de la prévention ne renferment aucun terme obscène ou même grossier et ne dépassent pas, en leur forme expressive, les libertés permises à l’artiste ; que si certaines peintures ont pu, par leur originalité, alarmer quelques esprits à l’époque de la première publication des Fleurs du Mal et apparaître aux premiers juges comme offensant les bonnes mœurs, une telle appréciation ne s’attachant qu’à l’interprétation réaliste de ces poèmes et négligeant leur sens symbolique, s’est révélée de caractère arbitraire ; qu’elle n’a été ratifiée ni par l’opinion publique, ni par le jugement des lettrés ».

Et voici un remake du procès original, organisé par Lysias Paris I le 14 mars 2013, dans la première chambre de la cour d'Appel de Paris.


Historiquement, la plaidoirie de Gustave Gaspard Chaix d'Est-Ange est essentiellement basée sur le fait que Baudelaire peint le vice mais pour mieux le condamner : Est-ce que, sérieusement, ses intentions peuvent être douteuses ; est-ce que vous pouvez hésiter un instant sur le but qu’il a poursuivi et sur la fin qu’il s’est proposée ? Vous l’avez entendu lui-même il n’y a qu’un moment, dans les explications si loyales qu’il vous a données, et vous avez été frappés sans doute et émus de ces protestations d’un honnête homme.

Il a voulu tout peindre, vous a dit le ministère public ; il a voulu tout mettre à nu ; il a fouillé la nature humaine dans ses replis les plus intimes, avec des tons vigoureux et saisissants, il l’a exagérée dans ses côtés hideux, en les grossissant outre mesure… Prenez garde en parlant ainsi, dirai-je à M. le Substitut ; êtes-vous sûr vous-même, de ne pas exagérer quelque peu le style et la manière de Baudelaire, de ne pas forcer la note et de ne pas pousser au noir ? Mais enfin soit ; c’est là sa méthode et c’est là son procédé ; où est la faute, je vous prie, au point de vue même de l’accusation, où est la faute et surtout où peut être le délit, si c’est pour le flétrir qu’il exagère le mal, s’il peint le vice avec des tons vigoureux et saisissants, parce qu’il veut vous en inspirer une haine plus profonde et si le pinceau du poète vous fait de tout ce qui est odieux une peinture horrible, précisément pour vous en donner l’horreur… ?

Cet argument moraliste consistant à présenter l'intention de l'artiste de peindre le vice pour mieux le condamner sera réitéré ultérieurement à de nombreuses reprises, entre autres pour défendre le Marquis de Sade, et même bien plus récemment dans les années 2000 concernant le film Requiem for a Dream de Darren Aronovsky.

mardi 19 janvier 2016

Générateur de générateurs

Les aficionados d'art aléatoire trouveront ici une liste de générateurs de textes, sur divers thèmes. Le but de cet article étant de constituer une collection de qualité de littérature générative combinatoire.

À tout seigneur tout honneur, viennent en premier les champions des discours creux, les politiciens.

Ce générateur de langue de bois, fidèle aux enseignements de l'ENA (École Nationale d'Administration), produit des discours politiques que pourrait tenir tout ministre en exercice.

Exemple de -long- discours politique produit par le générateur de langue de bois Exemple de -long- discours politique produit par le générateur de langue de bois

Mesdames, messieurs,

la démocratie participative doit réunir les atouts d'une majorité parlementaire qui responsabiliserait sur l'urgence écologique. Je désirerai que vous jaugiez que la formidable complémentarité des différents courants artistiques doit correspondre aux directives indispensables préalablement établies afin de poursuivre l'effort plus que légitime d'une recherche de la meilleure solution possible. Dès lors, sachez que je me battrai pour faire admettre que la complexité de la réalité Française encourage mon attrait avéré de progresser dans la direction d'un rassemblement des conditions de base pour construire sa vie et envisager son avenir. Aujourd'hui, je voudrais vous dire que la vrai question qui nous est posée en terme de maintien des acquis sociaux doit permettre la libre expression d'un plan correspondant véritablement aux exigences légitimes de chacun. Il faut savoir que la situation réelle doit mettre un coup d’arrêt au sentiment de fuite en avant d'une évolution quoiqu'il arrive indispensable à la préservation de notre mode de vie. J'aimerai que vous mesuriez avec discernement que l'effort prioritaire en faveur du statut précaire des exclus a pour effet voulu la pressante exigence d'une intelligence collective où la République tiendra sa promesse égalitaire.

C’est fort de cette unité et fort de votre présence que je peux aujourd'hui m'adresser à vous en cet instant solennel pour vous dire que la nécessité de répondre à votre inquiétude journalière, que vous soyez jeunes ou âgés, efforce notre conscience à l'inéluctable constat d'une société où nous aurions tous notre place. Inutile de chercher à vous convaincre, vous qui savez déceler le vrai du faux, si j'affirme avec force que le particularisme dû à notre histoire unique se trouve déjà à l'étape avancée d'une France forte, riche et attractive. Je serai toujours le premier à assurer que l’élan populaire tourné vers notre avenir commun propose concrètement l'opposition résolue d'une décroissance tangible du nombre d’individus dans la fatalité. Vous ne mettrez pas ma parole en cause si j'exprime le souhait de pointer du doigt que le projet réaliste et ambitieux pour faire de la ville la capitale de toutes les solidarités doit nous mener au recueil ouvertement irrésistible d'une valorisation plus généreuse des moins aisés. Je dois vous avertir que le développement équitable doit parvenir à la comptabilisation mensuelle d'une valorisation sans concession de nos caractères spécifiques. Je lance un appel à toutes celles et ceux qui veulent entendre que l'intensité habituelle des difficultés de l’entreprise contraint la plupart d'entre nous à repenser les fondements d'un temps et d'une époque en phase avec les innovations afin de ne pas être dépassé.

Je dois vous informer que le reflet de l'idéologie du moment doit renouveler la responsabilisation protectrice et la dynamique d'un déploiement visionnaire revivifiant. La démarche est si importante que je peux attester sans difficulté que le droit fondamental des femmes permet la reconnaissance absolue d'un seul vrai recours qui dit qu'il faut faire son devoir au quotidien. Où que nous mène la dualité de la situation conjoncturelle, l'intégration sociale au profit de la vie associative des quartiers doit prendre en compte les préoccupations de la population de base dans l'élaboration d'un monde plus égalitaire où personne n'aurait la sensation d'être exclu par une société de plus en plus exigeante. Le constat est tel que je peux certifier sans mal que la République du respect encourage la diversité et la sensibilité d'un progrès considérable soutenu par l'entente des différents partenaires sociaux. De plus, vous savez pertinemment que la France généreuse doit s'intégrer à la finalisation globale d'un réaménagement dans lequel quiconque pourra en définitive reconquérir sa distinction. Il faut résolument admettre que la tradition attachée à notre mémoire consubstantielle génère la profonde réflexion d'un retard en terme de gestion de contenu qui peut être très facilement rattrapé.

Je demeure entièrement assuré que la conjoncture actuelle interpelle le citoyen que je suis et nous oblige tous à aller de l'avant dans la voie d'une impulsion avançant vers d’avantage de consentement. Je tiens à vous dire ici ma détermination sans faille pour clamer haut et fort que l'escalade du coût de la vie, notamment en ce qui concerne les énergies fossiles atteint la restructuration profonde d'un avenir s'orientant vers plus de progrès et plus de justice. Beaucoup de nos concitoyens n’ont pas encore fait leur choix et pensent que le regain d'intérêt pour le paquet fiscal, nécessaire à l'augmentation du pouvoir d'achat pour tous entraine une mission somme toute des plus exaltante pour moi : l'élaboration d'une délégation ayant pour objectif la préoccupation de la totalité des problématiques de bon sens. Je garde la réelle conviction que la volonté farouche de sortir notre pays de la crise oriente la conscience collective dans la voie d'un mouvement cheminant vers plus d'unité. Je m'efforce sans relâche pour vous, afin que vous appréhendiez au mieux le fait que la mission qui nous a été confiée véhicule les valeurs d'humanisme d'une Europe socialement et économiquement redressée et capable de peser dans un mode multipolaire. Je confirme tout de suite que la société de consommation, telle que nous la connaissons, oblige à la prise en compte encore plus effective d'une France où les plus assidus seraient récompensés.

Je suis naturellement certain que la puissante divergence locale doit être au centre des débats d'une baisse effective du nombre de personne dans la détresse. Et c'est tout à fait sincère quand je déclare avec conviction que la sécurité des personnes connait, par définition, la tentation d'une rupture sans agitation partisane pour retrouver le chemin du vivre ensemble. En effet, c'est en toute prescience que je peux garantir présentement que l'aspiration plus que légitime de chacun au progrès social confirme l'inaliénable volonté d'une prise en charge complète des laissés pour compte. Il se trouve que la répercussion de l'augmentation récurrente des dépenses se concentre sur les citoyens et les forces sociales qui donne un nouvel élan à la France et qui rends possible, avec votre concours, les changements dont notre pays a besoin. Et c'est en toute honnêteté que j'atteste avec évidence que l'hégémonie du profit au détriment de l'humain a pour conséquence obligatoire l'urgente nécessité d'une exigence politique innovante. Et ce n'est certainement pas vous, mes chers compatriotes, qui me contredirez si je vous dis que la force et la richesse de la diversité guide le dialogue identitaire d'une France où collectivité rime avec solidarité.

Aujourd'hui encore plus qu'hier, personne ne me désavouera si je maintien que la réforme sur les régimes spéciaux nécessite de la majorité des Français qu'ils reconsidèrent le socle d'une prospection émérite, et c'est un symbole. Comme disent les Chinois : Qui n'est pas venu sur la grande muraille n'est pas un brave et qui vient sur la grande muraille conquiert la bravitude. Je ne peux affirmer le point de vue qui conduit à penser que la précaution essentielle de protection doit nous amener au choix réellement impératif d'un projet porteur de véritables espoirs, notamment pour les plus démunis. J'ose prendre des risques en vous disant que l'intelligence participative permet d'affirmer la prise de position résultante de l'ordre juste pour une France plus juste. Présentement, l'acuité des problèmes de la vie quotidienne pilote la clairvoyance fédérative sur la route de solutions rapides correspondant aux grands axes sociaux prioritaires. Il m'appartient de vous prévenir que l'autorité juste justifie la démarche vertueuse d'une autorité permettant la meilleure cohérence possible. Par ailleurs, c'est en toute connaissance de cause que je peux affirmer aujourd'hui que l'identité nationale dans notre pays qui perds ses repères prend la direction conditionnelle d'un suivi plus humain des moins fortunés.

Vous appréhendez sans nul doute que la situation d'exclusion que certains d'entre vous connaissent réitère l'élan nouveau d'une focalisation qui se traduit par un choc de méfiance. De plus, vous connaissez certainement la situation qui mène à dire que la montée des dépenses basiques doit insister sur la rupture du lien social et sur le sentiment de vide d'une société politique n’entendant plus assez l'appel répété des français. Je reste fondamentalement persuadé que le processus de concertation au niveau national et local est l’orientation acquise d'une société où vivre mieux ne rime pas forcement avec travailler plus. Je compte sur vous, raison pour laquelle je vous confie que l'approche sociale dans notre pays justifie les subventions publiques d'un processus allant vers plus d'égalité. Je vous garantis sauf inconduite que la dynamique vertueuse doit conduire à l'ouverture intégrale d'un programme plus humain, plus fraternel et plus juste. J'ai depuis longtemps défendu l'idée que l'exceptionnelle diversité culturelle doit décider de l'avenir d'au moins deux générations compte tenu de la lourdeur d'un encadrement plus propice à l'instauration d'un climat de confiance.

Il faut opiniâtrement accepter que l'effort indispensable de défense véhicule les prémices d'une perception des prémices de la récession dans laquelle se trouvent distinguées des repères utiles. Actuellement, la forte disparité régionale doit être le stimulus d'une postérité allant vers essentiellement plus d’équité. Il est tout à fait normal que je vous dise que la refonte du pacte républicain fait ressortir le réel attrait d'un monde nouveau où chacun ira à son rythme et où nous attendrons ceux qui vont un peu plus lentement sans freiner ceux qui veulent accélérer. J'ai toujours pensé que l'évolution sans concession de notre mode de vie doit s'assimiler à la notion intacte d'une restructuration dans laquelle chacun pourra enfin retrouver sa dignité. Pourquoi devrais-je essayer de vous convaincre, il suffit de regarder les chiffres et de constater que ceux-ci illustrent bien que la juste récompense de la promotion sociale conforte mon désir incontestable d'aller dans le sens d'une force sereine et progressiste qui remettra notre pays sur le chemin de la réussite.

Mesdames, messieurs, je vous remercie de votre attention. Par la même soyez assuré de ma réelle implication et du caractère profond de mon engagement concrétisé ici par les mots pour vous offrir un monde meilleur et plus juste.

Application : Franck Lepage crée un discours en direct (source : Scop le Pavé).

Vient ensuite le monde de l'entreprise et son jargon corporate.

Pour les start-ups entrant dans l'univers capitaliste de la levée de fonds, Pitch French Tech vous aidera à construire quelques phrases pour attirer les investisseurs (utilisables dans l'acsenseur (elevator pitch) ou sur Twitter). Exemple : Notre idée de startup est simple, c'est le Foursquare du massage thaïlandais pour les mères célibataires. Notre but est de nous installer en Thaïlande et poster des photos, comme tous les autres. Dans une seconde étape vous pourrez montrer une superbe présentation à toute une assemblée de business angels grâce aux slides générés par pipotronic, fournisseur de contenu textuel pour vos powerpoints, réunions, plaquettes corporate....

La présentation sera avantageusement complétée par ce générateur de discours universels remplis de grandes phrases qui ne veulent rien dire.

Pour l'univers mystico-médical, un générateur de personnalité basé sur l'effet Barnum, applicable aux consultations psychiatriques, horoscopes, tarot, divination, boule de cristal, cartomancie, etc. Le même site offre un générateur de phrases absurdes et inutiles pour briller en société et épater vos amis, le blablator. (Les lecteurs chez qui la phraséologie mystique réveille une vocation de marabout pourront bien sûr bénéficier d'un générateur de carte de medium.)

Exemple de blabla new age généré par le blablator Exemple de blabla new age généré par le blablator

Il est connu  que l'état pathologique  repose sur une violation des lois ésotériques du vide cosmique qui couvre l'Univers et constitue sa gangue.

Il faut bien prendre en considération le fait avéré que la puissance des forces ancestrales de l'humanité représente une relativité ontologique inséparable d'une relativité énonciative, au sens axiologique, et n'est possible qu'à travers la médiation de machines autopoïétiques.

Au regard de ce qui précède, nous pouvons donc affirmer sans ambages que l'objectivité résiduelle est ce qui résiste au balayage de l'infinie variation des points de vue constituables sur lui.

Les adeptes du New Age anglophones pourront se tourner vers ce générateur cosmique.

Pour la vie personnelle et professionnelle, le site Flemmardise propose des générateurs de lettres d'amours pour femmes, pour hommes, de lettres d'insultes pour femmes, pour hommes, de lettres de ruptures pour femmes, pour hommes, et pour le monde du travail, de lettres de licenciement, et de lettres de démission pour femmes et pour hommes.

Enfin, pour les visiteurs les plus architectes, des générateurs de générateurs (meta-générateurs) : Charabia, et l'historique Dada Engine.

En conclusion, un poème généré par ordinateur :

Comptine aléatoire

lundi 5 octobre 2015

Nostalgia de la luz

Nostalgia de la luz (Nostalgie de la lumière) est un documentaire de Patricio Guzmán sur le désert d'Atacama au Chili, abritant des télescopes permettant aux astronomes de découvrir le passé de l'univers, et des anciennes prisons secrètes datant de Pinochet. Là-bas, chacun a une quête.

Numéro 1134 et un des rares documentaires de la liste "1001 Movies You Must Watch Before You Die" éditée par Steven Schneider.

Nostalgia de la luz

mardi 11 août 2015

Le rosier

Le rosier ne sait pas comment se font les roses
La lionne avait le lionceau sans avoir rien appris
Aimer, se reproduire, est dans l'ordre des choses
Moi-même je l'ai su sans qu'on ne m'en ait rien dit
Laissez donc la nature expliquer ses mystères
Laissez vos enfants croire aux enfants dans les choux
Ils sauront en leur temps ce qu'il convient de faire
Et ce qu'ils devront faire ils le feront, sans vous

Robert Lamoureux (1958)

mardi 5 mars 2013

Art aléatoire

Les articles aléatoires (random papers), sont connectés à l'art aléatoire, qui peut être généré par une grammaire telle que la Context Free Design Grammar (CFDG). Son auteur, Chris Coyne, est également derrière les projets OkCupid et SparkNotes.

L'utilisation de l'aléatoire dans l'art n'est pas nouvelle, et a été l'une des clefs de l'art génératif, comme la peinture dynamique de San Base.

En littérature, la technique du cut-up où des passges d'un livre sont déplacés aléatoirement a été employée par William Burroughs. Du point de vue narratif, la fabrication de phrases par la méthode du cadavre exquis a été étendue à la génération de scénarios. En poésie, Raymond Queneau (évoqué dans l'entrée sur l'OuLiPo) a écrit le recueil Cent mille milliards de poèmes qui contient de nombreux (10^14) sonnets.

Concernant la musique et la génération d'ambiance, il est naturel de penser à boodler (écrit en python2), qui peut créer et combiner de nombreuses atmosphères sonores : forêts, lacs, pluie, vent, vagues, orages, feu, horloges, moteurs, machines de chantier, chuchotements, temples,machines à écrire, instruments de musique, enfants, insectes, grenouilles, corbeaux, sonneries de téléphone, battements de coeur, démons... encore mieux que le gadget de Chabat dans La Cité de la Peur.

En peinture, dans la veine de Sokal on peut aussi rendre hommage à Boronali et son tableau sur l'Adriatique.

Et le soleil s'endormit sur l'Adriatique

Que ce soit sur la conscience des machines, la formalisation de l'esthétique, ou le rôle du hasard, l'art génératif soulève toute une panoplie d'éminentes questions qui auraient toute leur place en philo de bistro.

lundi 4 février 2013

Journal de Marc

L'émission radiophonique poético-OuLiPienne Des papous dans la tête propose chaque semaine un jeu à ses auditeurs.

Ce dimanche, il s'agissait de bout-rimé, un exercice en vogue dans les salons aristocratiques du XVIIe siècle consistant à composer un poème à l’aide de rimes données d’avance. Les rimes étaient : brioche, mioche, randonnée, abandonnée, carlingue, bringue, enfumer, allumer, Charlemagne, montagne, bonbon, rebond, calepin, lapin.

Et donc, dans la série « peut-on rire de tout ?», voici un sonnet sobrement intitulé Journal de Marc.


Le crépuscule venant, dégustant une brioche
Je rentrais vers la ville après une randonnée
C'est là que je le vis, tout seul, abandonné
Un gamin l'air perdu, à peine dix ans, un mioche

C'est décidé me dis-je, il me faut l'allumer
J'approchai donc de lui, avec deux-trois bonbons
Qu'il accepta très vite après quelques rebonds
Puis pour mieux endormir son esprit enfumé

Sur le ton de la foi transportant les montagnes
Dis qu'il était spécial, qu'il était Charlemagne
Et l'invitai chez moi voir mes jolis lapins

Le jour où la police trouvera sa carlingue
Mon nom sera en tête sur tous leurs calepins
Je sais mais dans la vie, il faut bien faire la bringue

mardi 28 août 2012

Peut-on plaire à tout le monde ?

J'ai lu dans quelque endroit qu'un meunier et son fils
L'un vieillard, l'autre enfant, non pas des plus petits,
Mais garçon de quinze ans, si j'ai bonne mémoire,
Allaient vendre leur âne un certain jour de foire.
Afin qu'il fût plus frais et de meilleur débit,
On lui lia les pieds, on vous le suspendit ;
Puis cet homme et son fils le portent comme un lustre.
Pauvres gens ! idiots ! couple ignorant et rustre !
Le premier qui les vit de rire s'éclata :
« Quelle farce dit-il, vont jouer ces gens-là ?
Le plus âne des trois n'est pas celui qu'on pense. »
Le meunier, à ces mots, connaît son ignorance ;
Il met sur pied sa bête, et la fait détaler.
L'âne, qui goûtait fort l'autre façon d'aller,
Se plaint en son patois. Le meunier n'en a cure ;
Il fait monter son fils, il suit : et, d'aventure,
Passent trois bons marchands. Cet objet leur déplut.
Le plus vieux au garçon s'écria tant qu'il put :
« Oh là ! oh ! descendez, que l'on ne vous le dise,
Jeune homme, qui menez laquais à barbe grise !
C'était à vous de suivre, au vieillard de monter.
- Messieurs, dit le meunier, il vous faut contenter. »
L'enfant met pied à terre, et puis le vieillard monte ;
Quand trois filles passant, l'une dit:« C'est grand' honte
Qu'il faille voir ainsi clocher ce jeune fils,
Tandis que ce nigaud, comme un évêque assis,
Fait le veau sur son âne et pense être bien sage.
- Il n'est, dit le meunier, plus de veaux à mon âge :
Passez votre chemin, la fille, et m'en croyez. »
Après maints quolibets coup sur coup renvoyés,
L'homme crut avoir tort et mit son fils en croupe.
Au bout de trente pas, une troisième troupe
Trouve encore à gloser. L'un dit : « Ces gens sont fous !
Le baudet n'en peut plus, il mourra sous leurs coups.
Eh quoi ! charger ainsi cette pauvre bourrique !
N'ont-ils point de pitié de leur vieux domestique ?
Sans doute qu'à la foire ils vont vendre sa peau.
- Parbleu ! dit le meunier, est bien fou du cerveau
Qui prétend contenter tout le monde et son père.
Essayons toutefois si par quelque manière
Nous en viendrons à bout. » Ils descendent tous deux.
L'âne se prélassant marche seul devant eux.
Un quidam les rencontre, et dit:« Est-ce la mode
Que baudet aille à l'aise; et meunier s'incommode ?
Qui de l'âne ou du maître est fait pour se lasser ?
Je conseille à ces gens de le faire enchâsser
Ils usent leurs souliers et conservent leur âne !
Nicolas, au rebours : car quand il va voir Jeanne,
Il monte sur sa bête; et la chanson le dit.
Beau trio de baudets ! » Le meunier repartit :
« Je suis âne, il est vrai, j'en conviens, je l'avoue ;
Mais que dorénavant on me blâme, on me loue,
Qu'on dise quelque chose ou qu'on ne dise rien,
J'en veux faire à ma tête ». Il le fit, et fit bien.

Jean de la Fontaine