La division du travail pousse à la spécialisation dans tous les domaines, et les colonies de vacances, ou séjours en accueils collectifs de mineurs, ne font pas exception.
Ateliers d'experts pour colonies de vacances hyperspécialisées ; aujourd'hui, les encadrants ne sont plus de simples monos.
« Ça n'a plus rien à voir avec ce que c'était avant », témoigne Bernard Marciano, un animateur. « Dans l'animation, il y a vraiment une formation très sérieuse, c'est vraiment un métier. C'est vraiment un métier à part, ce qui n'était pas le cas il y a quelques dizaines d'années, on va dire. »
Coût du séjour, 1000 € pour deux semaines, pas accessible donc à tous les parents, mais à ce prix-là les neurones n'auront pas chômé avant la rentrée.
Quel est, en pratique, le statut de l'animateur ? En juin dernier, les CÉMÉA (Centres d'Entraînement aux Méthodes d'Éducation Active), membre de la confédération de la Jeunesse au Plein Air (JPA) organisait une conférence pour clarifier la situation.
Il y a une centaine d'années, la question ne se posait pas, les encadrants des "colos" (on dit aujourd'hui "séjours de vacances") étaient des militants de l'éducation nationale -instituteurs- ou bien des membres du clergé. À cette époque, il n'existait pas de contrat. Puis, après la 2e guerre mondiale, ont commencé à apparaître des indemnisations (remboursement de certains frais), faisant émerger une progressive professionalisation, jusqu'à l'année charnière 1989 à laquelle fit son entrée la convention collective de l'animation socio-culturelle. Étaient déjà inclues dans lesdites rémunérations certaines cotisations salariales et patronales.
Au cours des années 2000, les attaques pour exploitation auprès des prudhommes dont firent l'objet certains organismes mirent en évidence la nécessité de protéger, à un certain titre, les animateurs.
En 2006 fit son apparition le contrat d'engagement éducatif (CEE), cumulant le statut d'inscrit au code du volontariat et de contrat de travail. Un animateur a alors le droit à un jour de repos par semaine, ce qui est par ailleurs contraire au code du travail (d'où l'appellation de statut "dérogataire").
En octobre 2010, un syndicat (Solidaires Sud Isère) revendiqua l'idée que "rien ne justifie la dérogation de l'emploi d'animateur au code du travail sur le repos compensatoire". Suite à cela, un comité, la commission Nutte, proposa un temps minimum de repos : 11 heures de repos par jour (période de 24 heures) en plus du jour de repos par semaine (directive no 2003/88/CE du 4 novembre 2011 et article 124 de la loi no 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives).
En pratique, sur 7 jours, cela ne se passe pas du tout comme ça, en vertu du régime dérogatoire explicité par l'article 432 du décret 2012-5081 du 26 avril 2012 relatif aux conditions de mise en oeuvre du repos compensateur des titulaires d'un contrat d'engagement éducatif. Sur une semaine, un animateur aura droit à un jour de repos plus seize heures à prendre en une (1x16h), deux (2x8h), ou quatre (4x4h) fois. Les cinquante heures manquantes de repos sont reportées à après la fin du séjour (repos compensateur), ce qui par ailleurs empêche de retravailler immédiatement après celle-ci.
Il s'agit d'une loi technique, qui est difficile à mettre en oeuvre (une circulaire ministérielle expliquant les modalités d'application du repos compensateur est d'ailleurs parue), et pose tout un tas de complications aux séjours itinérants et aux séjours de plus de 21 jours, sans parler de la législation concernant le taux d'encadrement de nuit qui reste assez floue. Mais, une conséquence positive est que les animateurs peuvent davantage se reposer, ce qui généralement est bénéfique à la sécurité des groupes. Cela passe souvent par une augmentation du nombre d'animateurs sur les séjours, et les structures avec peu de moyens ont parfois du mal à s'adapter.
De façon assez comique, ce temps de repos obligatoire de 11 heures par jour met implicitement en évidence un temps de travail journalier de 13 heures, alors que l'indemnisation minimale légale des animateurs est à la hauteur de 2.2 fois le smic horaire par jour. Le contrat d'engagement éducatif est en l'état actuel des choses une sorte de contrat hybride régi à la fois par le droit du travail et par le ministère de la jeunesse et des sports (J&S pour les intimes). Surtout dans sa version 2006, il embarque "le pire des deux mondes" pour les animateurs (et en quelque sorte le meilleur des deux mondes pour les entreprises à but lucratif qui peuvent engager des animateurs presque gratuitement tout en leur demandant une charge de travail et une responsabilité plutôt importantes).
Dans ce cadre, la confédération de la Jeunesse au Plein Air considère le statut actuel des animateur comme transitoire, et propose de remplacer le contrat de travail des animateurs par un contrat de volontariat (au centre de l'axe bénévolat-salariat), ce qui implique que le lien de subordination institué par le contrat de travail serait substitué par un lien d'adhésion à un projet éducatif. C'est dans ce sens que s'inscrit la proposition 4133 dite "Juanico" effectuée en décembre dernier. Se pose également la question de l'intégration européenne d'un tel statut.
À lire en complément : l'article "Anim" de colo, un métier presque comme les autres.
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